Durant une folle journée, j’ai pris le volant de 3 voitures anglaises : La Lotus Elise, la Lotus 2-Eleven et la Bentley Arnage. Voici le récit en 3 parties qui commencent par la plus classique (et la plus moche) d’entre elles.
Le contexte des essais
Depuis deux ans maintenant, j’ai la chance de pouvoir essayer des bagnoles actuelles via les parcs presse des constructeurs. Pour ces trentaines d’essais de 5 jours et 400 km en moyenne, j’ai souvent le temps de tout tester et de tout observer. Cependant, quand des passionnés proposent de me passer le volant de leurs caisses, même sur une courte durée, je ne peux pas refuser. Surtout quand il s’agit de bagnoles rares. Attention toutefois pour la suite de ce récit et notamment pour les 3 essais. Ils seront loin d’être exhaustifs mais donneront plutôt une couleur (oui, je me prends pour un galeriste parisien).
Les plus fidèles lecteurs se rappelleront de la Lotus 340R appartenant à Guillaume qui m’avait contacté via Twitter. Quelques mois après, il revient vers moi en m’écrivant : « je viens de m’offrir le rêve de ma vie : une Bentley Arnage. Ah oui, j’ai aussi une Lotus Elise et une 2-Eleven, ça te dit d’en prendre le volant dans une même journée ? » Faut-il vraiment que je vous retranscrive ma réponse ?
L’Elise et les Lotus de Guillaume et Thibault
Guillaume et Thibault sont deux frères. Juste qu’ici tout va bien. Guillaume et Thibault sont deux frères qui partagent la passion des Lotus. Et c’est là que les problèmes commencent. Entendons-nous bien, des problèmes relatifs. Comme ils disent, la santé et la famille, tout roule. Mais quand on aime les Anglaises, on sait rapidement que tout ne se passera pas comme prévu. Heureusement pour eux, Marco, ex-carrossier/ex-pilote et mécanicien pour la compétition automobile, les aide dans ce quotidien aléatoire. De plus, ce qui est grandement appréciable, c’est l’autodérision (jeu de mots) de ce petit groupe. À mon sens, c’est une chose d’aimer passionnément une marque, c’en est une autre de savoir s’en moquer. Je vous vois les fanboys Tesla.
Ces caricatures de voitures anglaises qui dépassent la réalité
Ici, on rigole de ces caricatures de voitures anglaises qui dépassent la réalité. Tout se résume dans l’acronyme Lotus : « Lot Of Troubles Usually Serious ». Qu’on peut expliciter avec l’aide de Google Traduction : « beaucoup de problèmes généralement graves ». Les problèmes ne proviennent pas trop de la mécanique en soi, mais plutôt des quelques éléments d’électronique. Comme la batterie ou la centralisation. Ou du karma. Ou du sens du vent. Ou d’un Scénic.
La légende raconte qu’on ne peut pas déverrouiller sa Lotus quand celle-ci est garée à côté d’un Renault Scénic. Du fait du champ électromagnétique. Sur une aire d’autoroute, Thibault allait mettre le feu à la sienne après 20 min à tout tenter. Puis le Scénic s’est barré et la Lotus a démarré. Idem (ou presque) pour un client de Marco. Une Lotus toute neuve, à côté d’une antenne relais. Il a dû la pousser sur 100 m pour s’éloigner des ondes et réussir à repartir. On n’y croit pas à tout ça ? Sauf que tout est possible avec cette marque iconique. Même de caler en débrayant au max. Je l’ai expérimenté. Ou de devoir désenclencher l’alarme alors qu’on roulait précédemment. Je ne continue pas la liste car j’ai trop d’autres choses à vous raconter.
GR86, Arnage puis Lotus Elise
Pour l’organisation de la journée et comme la dernière fois, je retrouve Guillaume à Avallon, dans l’Yonne. J’arrive en Toyota GR86 bleue de 1 275 kg pour ensuite prendre une Bentley Arnage de 2 585 kg. Le double du poids. J’y reviendrai dans la 3ème partie de ce trip[tyque] anglais.
Direction Dijon et 120 km de départementales avant de repasser aux 747 kg de la Lotus Elise. Nous (re)prenons d’abord des forces. Eva et Thibault m’accueillent gentiment pour un barbecue estival sur la terrasse de leur toute nouvelle (magnifique) maison. Le premier critère d’achat étant un grand garage. Suffisamment grand pour loger 6 voitures, 2 vélos et une moto. Avec un peu d’amour, on peut même faire rentrer 8 voitures.
Certains commencent par refaire la salle de bain ou la cuisine en prenant possession des lieux. Thibault, lui, s’est attaqué au sol de son garage pour y poser du carrelage. Comme me dit toujours Miss Novichok : « le carrelage, c’est facile d’entretien et ça fait propre ». En plus de ces arguments de choix, c’est aussi un bon moyen pour déplacer facilement des voitures sans les démarrer. Je vous rappelle qu’on parle d’un garage de Lotus. Avec aussi une Opel Speedster et une Renault Twingo pour compléter cette collection de voitures moches atypiques.
Le physique de la Lotus Elise
Voici la partie la plus délicate de mon récit : dire du mal du physique d’un bébé. On peut se le dire entre nous, tous les bébés ne sont pas beaux. Evidemment, il s’agit d’une vision subjective. Pour autant quand le nourrisson est tout moche, par bienséance, soit on ment aux parents, soit on se tait. Cette Lotus Elise est bien le bébé de Guillaume et Thibault. Mais comme ça reste une bagnole, je vais aller sur ce terrain pour en parler.
Si j’ai toujours aimé l’esthétique d’une Porsche 911 (sauf la 996, bien entendu), je n’ai jamais aimé celui des Lotus Elise S1. La S2 passe à peu près et ça va pour la S3. Mais jamais rien d’emballant avec ce physique tassé et emballé par du plastique. Malgré une belle configuration avec jantes noires et une peinture « Starlight Black », je ne suis toujours pas convaincu. Par contre, la sellerie des sièges avec surpiqûres rouges me convient davantage. Tout cela reste aux goûts de chacun, tout comme la conduite.
S’installer dans une Lotus Elise
On rappelle que pour rentrer dans une Lotus, la souplesse devient une qualité indispensable. Qualité que je n’ai toujours pas. La portière est sur le châssis. Littéralement au-dessus. Donc quand on l’ouvre, on doit encore enjamber celui-ci. Le pire étant pour en sortir car on part de plus bas. Une galère sauf pour s’attacher. Miracle, pas d’harnais mais une simple ceinture de sécurité. Le pédalier est légèrement décalé sur la droite, sans que cela ne pose de problème pour la conduite. C’est l’heure de démarrer prier. On tourne la clé et le boucan s’annonce.
Une Lotus Elise légèrement préparée
Forcément, avec des mecs qui roulent en Lotus et qui font de la piste, on doit s’attendre à quelques modifications. Pour cette Elise S1 de 2000 avec un moteur Rover 1,8 l de 120 ch de base, Guillaume, Thibault et Marco ont ajouté une paire d’arbres à cames pour assimiler les hauts régimes et faciliter le développement du moteur ainsi qu’une nouvelle poulie. Leur Elise atteint dorénavant 140 ch. Pour 747 kg sur la balance.
Je vais vous sortir le cliché éculé sur les Lotus Elise : un kart. Cela n’a jamais été aussi vrai dès ma prise en main. Avec une sensation de lourdeur dans la direction. Surtout à 10 km/h. Du fait des pneus larges à l’avant (et peut-être aussi de l’absence d’une direction assistée). On a l’impression d’un manque de maniabilité. Après, une Lotus ne se roule pas à 10 km/h donc la sensation s’échappe progressivement. Toutefois, on ne sent pas une direction facile à appréhender. Elle demande une habitude. Que je n’aurai pas durant mes juste 30 km d’essai. Evidemment, c’est frustrant mais bien moins que mes autres 30 km en 2-Eleven, qu’on détaillera dans la deuxième partie de ce trip[tyque] anglais.
Moins facile qu’une Lotus 340R
La 340R se conduisait bien plus aisément. Puis il faut mettre encore plus de tours avec celle-ci. Genre dans les 5 000 tours, on est bien. Le Rover hurle mais on arrive encore à se parler avec Thibault. Il m’explique qu’il a appris, comme son grand frère, à conduire fort sur une Elise de 120 ch donc il sait gérer les trajectoires. Il me parle aussi de talon-pointe mais je n’en ai pas l’utilité car je ne vais pas assez vite. Le « pas assez vite » est tout relatif car il est déjà bien plus vite que 90 % des bagnoles dans les courbes.
Heureusement, nous profitons de routes fermées costaloriennes pour pousser l’Elise à en faire s’envoler la casquette. Sauvée par la bulle en plastique (façon Targa) derrière le siège. La boîte à 5 rapports pourrait s’arrêter au 3ème. Les vitesses se passent sans difficultés mais on n’en a presque pas le besoin vu les hauteurs du régime moteur. Après 6 000 tours, on ne s’entend plus et Thibault me fait des signes énergiques de la main pour avancer. Je n’allais pas suffisamment vite pour lui. Ni pour sa Lotus Elise.
Lotus Elise : une voiture pour la piste (quelle surprise)
Ah oui, dans une Lotus Elise, pas de clim, juste l’air ambiant et pas de toit. Enfin si, on peut. Mais personne ne le fait. Car ce sont des fous qui roulent en Elise. Pas des fous du volant car la grande majorité des propriétaires ne confondent pas routes et circuits puis ils ne sont pas des connards en Audi. Juste des fous de rouler autant dans des bagnoles si peu adaptées au quotidien et surtout si peu confortables. Attention toutefois, les suspensions font bien le boulot et limite la casse. Seuls les sièges rappellent que c’est une voiture pour la piste et pas pour le boulot. D’ailleurs, Eva et Thibault ne s’y trompe pas car ils covoiturent en Ford Ka 1,2 l de 69 ch.
Toutefois, je soupçonne Thibault de pouvoir se rendre à son travail seul dans une de ses nombreuses Lotus. Avec un air circonspect arguant : bah, c’est quoi le problème ? Rappelons que la Côte d’Or est loin d’être la région parisienne (ou les autres métropoles) avec un trafic saturé matin, midi et soir. La visibilité arrière est limitée et on imagine bien se faire rouler dessus par le moindre SUV avec notre petit gabarit. La Lotus Elise s’appréciera bien plus sur circuit avec une tenue de route impressionnante même si j’ai réussi à très légèrement glisser dans un rond-point après m’être bien entrainé en Toyota GR86.
Ma conclusion de la Lotus Elise : pas assez radicale !
J’en arrive à la conclusion (sans avoir parlé de l’intérieur car il n’a rien à en dire puisqu’il est vide minimaliste) avec ce propos plutôt incohérent : cette Lotus Elise n’est pas assez radicale pour moi. Alors que j’aime tellement le confort et la bonne insonorisation, je trouve que l’Elise S1 se place dans un entre deux qui ne me correspond pas. Notamment en comparaison avec la 340R.
Puissante et maniable, je comprends parfaitement que la Lotus Elise soit l’outil idéal pour un nombre d’amoureux de la légèreté et du plaisir de rouler décapoté. Surtout ceux qui gagnent en expérience jour après jour à son volant. Je ne le conteste pas et ne le constaterai jamais. À mes yeux, il lui manque le charme, la facilité et l’exubérance d’une 340R. Puis surtout face à une 2-Eleven, elle ne fait pas le poids.
La suite avec l’essai d’une Lotus 2-Eleven, c’est par ici.