La Mitsubishi Colt est une Renault Clio. Exactement une Renault Clio. Dès lors, pourquoi ce rebadgeage par la marque japonaise et est-elle vraiment exactement une Renault Clio ?
Le contexte de l’essai
L’équipe Hoonited a été invitée par Mitsubishi France à participer aux essais de la nouvelle Colt. En avril dernier, @LeStagiaire avait répondu présent pour découvrir l’ASX, un rebadgeage du Renault Captur. Dès lors, je voulais en savoir plus sur cette stratégie et surtout comprendre l’intérêt de procéder de la sorte. Finalement, plus qu’essayer une voiture, je voulais percevoir les enjeux pour le constructeur aux trois diamants. De plus, une nouvelle occasion de me retrouver durant deux jours avec des copains journalistes/blogueurs, ça ne se refuse pas. Enfin, @LeStagaire m’avait dit que l’équipe Mitsubishi était ultra cool (je confirme). À choisir dans la vie, je préfère cela que l’inverse. Direction Chiyoda, un arrondissement de Tokyo. Pas du tout ! Direction Angoulême, la banlieue de Paris en 2h de TGV.
Mitsubishi Colt : ne tirez pas sur le pianiste
Je ne vais pas vous répéter la même rengaine concernant mes essais durant une opération presse sur le fait de n’avoir que peu de temps pour découvrir et essayer la voiture. Car en l’espèce, cette Colt, je la connais bien. Enfin non, je ne la connais pas mais je la connais quand même. Certes, je n’ai pas essayé la dernière Clio mais j’ai testé quatre Renault récentes avec la Zoé, l’Austral, la Mégane E-Tech et le Captur E-Tech. Celui-ci partageant exactement la même motorisation hybride que cette Mitsubishi Colt. Je vous spoile donc la fin de l’article, j’aime la conso et je n’aime pas la boîte à crabots. Ni l’AVAS à la noix. On y reviendra.
La conférence de presse
Je vous sens impatient comme je l’étais au départ de Montparnasse pour avoir des explications sur cette histoire de rebadgeage pour la seconde fois. Déjà avec l’ASX et malgré le papier de mon collègue, je restais bien sceptique sur le choix de prendre un Captur et d’y mettre un autre logo. Mais ça, c’était avant de pouvoir poser toutes mes questions à Patrick Gourvennec, Président de Mitsubishi Motors France. Nous voici donc à la conférence de presse du soir, après 130 km au volant de la Colt.
Le premier point : en 2020, Mitsubishi Europe allait mourir. Zéro modèle, ou presque. Des déficits. En 2021, grâce à l’alliance Renault-Nissan, cette filiale survit avec la mise en place d’un plan simple et rapide : un nouveau modèle reprenant un déjà existant, le Captur. Car oui, pour vivre, il faut vendre des autos. Et mieux vaut vendre sur un secteur porteur. Celui du segment des B-SUV. Les SUV citadins. L’ASX est commercialisé en avril 2023 et la marque redevient rentable dès mai avec la capacité dorénavant de réinvestir dans de (vrais) nouveaux produits. Toutefois, histoire de continuer dans la même lignée, voici un second rebadgage : la Colt.
Mitsubishi Colt : pose ton gun sur le segment B
Le segment B des citadines polyvalentes en-dessous de 30 000 € représente 25 % de part de marché automobile français et peu ou prou européen. Donc il faut y être. Même sans être le meilleur. En gros, en étant moyen, on vend tout de même. Mitsubishi se devait absolument de proposer une voiture pour ce segment. On garde une équipe qui gagne avec Renault et on rebadge une Clio. Pour rappel, la Clio est la voiture la plus vendue en France depuis 2 000 ans. Bon, pas exactement 2 000 ans mais plutôt 33 ans pour dépasser les 16 millions d’exemplaires. De ce fait, Mitsubishi ne prend pas un énorme risque en copiant ce best-seller.
Pourquoi acheter une Mitsubishi plutôt qu’une Renault ?
Pourquoi acheter une Mitsubishi plutôt qu’une Renault ? C’est la question que je me posais depuis le début de la journée. Et même avant de venir, depuis la sortie de l’ASX. Une question de prix ? Une question de garantie ? Un peu des deux mais pas vraiment finalement. Avec la réponse donnée par Mitsubishi, j’en ai eu pour mon argent. C’est inexact puisque j’ai été invité gracieusement. Mais j’ai enfin compris ! Le client Mitsubishi s’en tape complètement de Renault. C’est ça le fin mot de l’histoire. Le client Mitsubishi est avant tout un client Mitsubishi. Il était malheureux depuis plusieurs années à ne pas retrouver de modèles chez son concessionnaire. Autrement, quand ce n’est pas un client Mitsubishi, c’est un client de marques coréennes ou françaises mais pas Renault. Donc la Colt ne se retrouve pas en confrontation directe avec une Clio. Si vous avez compris cela, je n’ai pas fait le voyage pour rien. Le client lambda veut une citadine polyvalente. Il n’épluche pas la presse spécialisée. Il cherche le meilleur prix. Et surtout, il cherche à côté de chez lui.
Mitsubishi Colt : un gros calibre sur la table
Sur ce marché extrêmement concurrentiel avec notamment la 208, la Sandero ou la C3, Mitsubishi a fait le choix d’être toujours bien dotée en équipements, quel que soit la motorisation ou la finition et d’être aussi compétitif avec une entrée de gamme à 18 390 €. Soit 110 € moins chère qu’une Clio. Sauf qu’on s’en fout de la Clio, suivez un peu là ! Car l’acheteur de la Colt ne saura probablement pas qu’il s’agit d’une Clio rebadgée. Par contre, il saura qu’il veut de la fiabilité japonaise. Sûrement la meilleure blague de cette histoire. La Colt est garantie 5 ans. Contre 2 ans pour la Clio. Alors que les deux voitures sortent de la même usine en Turquie. Donc pourquoi 5 ans chez Mitsubishi ? Tout simplement parce que c’est la tradition pour ce constructeur japonais avec aussi 5 ans d’assistance. On ne perturbe pas la clientèle et on s’appuie sur cet argument massue, qui pourrait largement me convaincre.
En résumé, la Colt ne fera pas vendre moins de Clio et Mitsubishi pourra se lancer dès 2024 avec un nouveau Outlander PHEV puis un véhicule 100 % électrique en 2025. Pour les flottes des entreprises, Mitsubishi (re)devient une marque intéressante avec plusieurs véhicules dans sa gamme et espère vendre 4 000 Colt à l’année. Get rich or die tryin’, comme dirait le jeune 50 Cent nippon, qu’on peut traduire par « réussir ou mourir ». Pour l’instant, Mitsubishi réussit à survivre.
On l’essaye ou pas cette Mitsubishi Colt ?
Oui, on l’essaye. On l’essaye rapidement car j’ai déjà fait une tartine sur la stratégie de Mitsubishi. Cela me semblait l’essentiel et le plus intéressant. Cependant, je reste professionnel (ce que je ne suis pas) et je vais vous donner mon avis sur la Colt. J’aurais pu vous renvoyer vers l’essai de la Clio E-Tech par @Maitremanda mais je n’ai aucune confiance dans un mec qui écrit que la Lotus Elise est la meilleure voiture au monde. Pour autant, vous pourrez aller le lire et constater nos différences d’appréciation.
Les différences avec une Renault Clio
Justement, commençons par les différences. Ça ira vite puisque c’est exactement une Clio. On retrouve cependant une calandre spécifique, des jantes sympas de 17 pouces avec pour centre le logo du constructeur japonais (comme sur le volant) et le nom Mitsubishi sur le coffre, en toutes lettres. Ce qui fait beaucoup de lettres. Surtout si on veut la désigler. Le logo Renault disparait autour de la caméra de recul et on se trompe mille fois à vouloir offrir le coffre avec ce qu’on croit être un bouton. Sur les portières avant, l’ajout d’un « hybrid EV » rappelle qu’il s’agit d’une hybride dans cette version E-Tech de 143 chevaux. Oui, ce n’est pas 140 ou 145 comme chez Renault. Car chez Mitsubishi, on compte différemment. On n’arrondit pas. Autrement, tout est pareil. Pour les quatre niveaux de finition, seules les peintures sont en option dont ce beau « Sunrise Red » à 750 €. Plutôt cohérent ce design, donc je l’aime bien cette Clio Colt.
À armes égales avec Martin
Prenons enfin le volant avec Martin, journaliste notamment à l’Equipe, spécialiste du golf et des Bugatti Chiron Super Sport sur les aérodromes pour sa chaine En Roue Libre. J’avais eu déjà le plaisir de le croiser à une soirée Hyundai et en coup de vent au Mondial de l’Auto. On se partagera la Colt durant les 2 jours d’essai entre Angoulême, capitale de la BD et Cognac, capitale du cognac.
Je commence à conduire et voilà que je me rappelle immédiatement ce que je déteste chez Renault. Le moteur qui fait du bruit, à froid, quand les batteries ne sont pas suffisamment chargées. Puis surtout, cette AVAS (avertisseur de piétons) qui fait du boucan dans l’habitacle jusqu’à 30 km/h. On doit pouvoir modifier ce son dans les réglages comme sur la Mégane E-Tech. Je n’ai pas eu la présence d’esprit de vérifier car j’étais trop occupé à râler.
La conduite polyvalente
La Mitsubishi Colt propose une conduite polyvalente avec son hybridation, relativement douce en ville, on bénéficie de suspensions ni trop fermes, ni trop molles. Quand on cumule le couple du moteur thermique et du moteur électrique, on apprécie la vivacité. Pour autant, ce n’est pas toujours le cas et parfois on galère pour atteindre les 100 km/h en 9,3 secondes. Notamment à cause de cette boîte à crabots que je n’aime pas du tout. On s’approche d’une boîte CVT avec la fâcheuse tendance à mouliner bruyamment sans avancer réellement. Il faut relâcher l’accélérateur pour passer le rapport supérieur. Clairement, si vous êtes léger du pied droit, cela ira. Mais si vous aimez la conduite dynamique, même le mode « sport » ne pourra rien pour vous. Par contre, si vous appréciez la conduite à une pédale, le mode « brake » vous ravira. Il freine suffisamment pour quasiment arriver à l’arrêt. Martin l’utilisait d’une façon surprenante avant chaque virage pour réenclencher le mode « drive » à l’accélération comme un nostalgique des boîtes manuelles.
Les consommations de la Mitsubishi Colt
À chaque Renault hybride essayée, la bonne surprise provient de la consommation. Durant nos 180 km, on arrive à un résultat de 5,4 l/100 km sachant qu’on a toujours mis du rythme sur les nombreuses départementales charentaises – comme les chaussons @LeStagiaire, ce nul en géographie – et qu’on a rarement adopté une écoconduite. Déjà, je trouve que ce score donne satisfaction avec deux bonhommes dedans et nos valises. Pour autant, on peut largement faire moins et viser un 4,8 l/100 km avec une conduite apaisée. Malgré un réservoir de seulement 39 litres, la Colt peut parcourir plus de 900 km. De ce fait, cette citadine polyvalente marque des bons points pour sa catégorie.
La vie à bord
À l’intérieur de la Mitsubishi Colt, tout est correct. Comme notamment l’assise et les quelques plastiques moussés. Aucun défaut rédhibitoire. On notera toutefois ce léger décalage sur le levier entre les lettres PRNDB et l’encoche réelle. Autrement, on s’émerveillera avec des bons boutons physiques que ce soit pour la climatisation, le volant et les sièges (très) chauffants ainsi que les modes de conduite ou les aides au stationnement. La caméra 360 pourrait proposer une meilleure définition tout comme la réactivité de l’écran de 9,3 pouces ou les performances du GPS natif. Avec notre road book, il se perd parfois à tourner en rond et à mettre du temps pour tout recalculer. Le son Bose est bof. Les sièges arrière se limiteront aux personnes de moins d’1m85 et aux petits gabarits pour la place du milieu. Le coffre de 301 litres déçoit pour le segment mais il fallait bien faire de l’espace aux batteries.
Les aides à la conduite et l’insonorisation
Les aides à la conduite restent discrètes et aucun bip ne vient faire sursauter le conducteur. Les bruits de roulement agencent dès 110 km/h, les bruits d’air sont limités tout comme les bruits parasites dans l’habitacle même si je n’ai pas pu tendre suffisamment l’oreille car Martin passait trop de temps à raconter des conneries et à réaliser des imitations douteuses. Vivement l’arrivée nocturne à Cognac que je boive (beaucoup) pour l’oublier. C’est faux, je devais rester concentré pour la conférence de presse. Et c’est doublement faux car on s’est bien amusés avec mon pilote/co-pilote durant cette première journée à discuter de cette bagnole et de la stratégie de Mitsubishi.
Frères d’armes en Mitsubishi Colt
Le lendemain, départ 8h pour réaliser des clichés et permettre à Martin de finir sa vidéo dans un endroit décalé. Ce qui me convient parfaitement car j’aime sortir des sentiers battus. Vous voyez arriver la connerie ? On grimpe gentiment sur un chemin caillouteux au milieu des vignes. On cherche la meilleure lumière, esthètes que nous sommes. Donc on se dirige de l’autre côté de la colline. Et là, c’est le drame. Le chemin n’a plus vraiment de gravier et la terre meuble se fait doucement ressentir. Marche arrière, on patine. On rigole beaucoup moins que la veille. Marche avant, la voiture glisse inexorablement en dévers. On ne rigole plus du tout et on sort pour caler du bois et des pierres sous les roues avant. Je pousse. C’est lourd 1 365 kg dans la boue. Très lourd. Je repousse. J’ai de la terre sur l’entièreté de mes baskets. On se rapproche des vignes. Aucune solution malgré toutes nos tentatives. Nous avons tanké une Colt.
La grosse artillerie pour sortir la Mitsubishi Colt
Quelques semaines auparavant, Martin testait l’Huracan Steratto et la 911 Dakar dans les champs, le sable et les forêts. En Colt, il posait les armes et appela Mitsubishi France pour nous sortir la bagnole. L’assistance arrive avec un Caravelle 4×4 mais en pneus été. La fête de la glisse. Malgré le crochet de remorquage installé et la sangle attachée, rien ne bouge. On abandonne notre modèle pour retrouver celui de Caroline, la responsable relation presse. On s’excuse platement. Elle se marre car elle en a vu beaucoup d’autres. Nous sommes les couillons de cette session. Heureusement, rien de cassé ni d’abîmé, juste de la terre partout. Il faudra la venue d’un chariot télescopique (et non d’un simple tracteur) pour réussir à désembourber la Mitsubishi. Pas sûr qu’on soit invités à l’essai du prochain Outlander.
En conclusion
Mitsubishi a raison de rebadger des Renault. En plus de gagner sa survie en Europe, le constructeur japonais profite de cette alliance pour arriver sur le segment B et B-SUV (avec l’ASX) qui représenteront 50 % des ventes sur le vieux continent à l’horizon 2025. Dès lors, avec cette Colt, on retrouve les mêmes qualités et les mêmes défauts qu’avec la Clio dont notamment des lignes cohérentes, un habitacle correct et surtout des faibles consommations grâce à une hybridation réussie. Ce produit permettra de faire perdurer une lignée de Colt existant depuis 1962 pour arriver à une 7ème génération et ainsi résonner à l’oreille des anciens clients qui apprécient la garantie 5 ans. Ceux-ci devront savoir qu’avec cette boîte à crabots et son moteur bruyant à froid, ils n’auront rien d’enthousiasmant mais une voiture cohérente et surtout bien équipée pour la catégorie et la gamme de prix. De là à en faire une arme de choc ?