Avril 1923, Ugo Sivocci peint un trèfle à 4 feuilles vert sur son Alfa Romeo RL pour se porter chance lors de la Targa Florio. Décembre 2023, un stagiaire peint un trèfle à l’arrache sur une feuille de son frigo avant de conduire l’Alfa Romeo Giulia fêtant les 100 ans de ce Quadrifoglio Verde, lors d’un essai pour le blog auto le plus fou du web. Voici non pas son histoire, mais celle de cette voiture et de sa légende.
Une histoire d’amour qui ne peut durer ne mérite-t-elle pas d’exister ? La mienne a débuté par un mail improbable. Hugues (encore merci) me contacte. Après un compliment sur mon essai de la Q4, il me dit qu’une Giulia Quadrifoglio Verde édition 100e anniversaire est de passage au parc presse. Elle repart en mars. Je consulte mon agenda et il se trouve que je suis disponible le jour de la Saint-Valentin. La fidélité automobile n’est pas mon fort et je ne suis pas spécialement amoureux de la Y Perf. Alors vivre une petite aventure avec une Italienne pleine de fougue et au caractère trempé s’est avéré tentant. Tant pis pour l’Américaine.
Le Novichok, amateur de belles carrosseries et très porté sur les Italiennes ces derniers temps s’est évidemment joint à la partie. Et par chance, le soleil voulait aussi en profiter.
La récupération d’une Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio Verde un peu spéciale
Après deux heures de transport en commun et 30 minutes de trottinette électrique, je me retrouve face à elle. Je suis plus heureux qu’un ado ayant percé sur TikTok. Je ne peux m’empêcher d’utiliser le hall comme petit studio, dont l’énorme baie vitrée réveille les paillettes de diamant de la peinture émeraude aux relents dorés.
La Giulia Quadrifoglio à l’essai est une édition limitée à 100 exemplaires pour les 100 ans de la première Alfa Romeo à porter le trèfle à quatre feuilles. D’ailleurs, l’emblème est doré, les étriers sont jaunes et il y a du carbone un peu partout, y compris où l’on ne s’y attend pas : sur la planche de bord, les rétros, les poignées de porte, le spoiler, les bas de caisse, la ligne Akrapovic, la console centrale, les panneaux de porte et le capot. Le V6 crache 10 ch de plus que la version classique, pour un total de 520 ch à 2500 tr. Ce sont tout de même 10 ch de moins que la GTAm, parce que la reine reste la reine.
Puis cette couleur vient mettre tout le monde d’accord, à moins d’avoir mauvais goût. Tous les exemplaires ont été vendus (environ 100 000 euros hors malus) en 2 mois. C’est dire à quel point cet essai était une folle opportunité.
Ce qui n’allait pas avec cette Giulia QV
Une fois n’est pas coutume, commençons par ce qui fâche. Le mobilier qui couine et craque, surtout le tableau de bord, dont les sons aigus couvrent et gâchent celui du V6. Un son qui reste d’ailleurs assez discret tant qu’on n’active pas le mode Dynamic ou Race. Or, ces modes, en circulation, sous la pluie qui plus est, ne sont pas à mettre entre toutes les mains.
L’interface du système est comme d’habitude brouillonne et peu réactive. Utiliser la molette demande plus de temps que d’utiliser son doigt. La caméra de recul ne bénéficie pas d’un grand affichage et la qualité baisse drastiquement la nuit.
La belle Giulia Quadrifoglio est portée sur la boisson. Elle engloutit rarement moins de 10 litres aux 100 km. Ce qui, avec les 54 litres de réservoir, assure environ 350 km. Oui 350, parce que vous ne pourrez pas vous empêcher d’actionner le mode D. Nous avons tourné à 20,5 l/100 km, mais nous en reparlerons.
D’ailleurs, ces modes pourraient être modifiables directement sur le volant, plutôt que sur la console centrale, défaut déjà remarqué sur la Q4. Car le bouton démarrer sur le volant, ne sert, comme son nom l’indique, qu’à démarrer et éteindre le moteur. Et sur la QV, plus que sur la Q4, vous ne cesserez de jongler entre les modes de conduites.
Voilà, on a fait le tour. Il m’a fallu environ 30 minutes pour détecter tous ces petits détails problématiques, et à la 31e, je m’en battais royalement les glaouis. Vous regardez les petits défauts du cadre d’une œuvre de grand maitre ? Non, vous la fermez et restez admiratif. Je n’étais d’ailleurs pas devant l’œuvre, à l’admirer. J’étais dedans. À partir de maintenant, il ne s’agit plus d’un essai, mais de l’évocation d’une bagnole qui fait rêver. Je risque d’être un poil dithyrambique. Pas désolé.
La récupération : Più bella cosa que tù
Eros Ramazzotti a sorti un tube dans lequel il déblatère des mots trop doux sur quelques accords de gratte, le genre de musique à finir en courant rejoindre son âme sœur à l’arrache à l’aéroport avant qu’elle ne disparaisse pour toujours. Au milieu de ce miel italien se trouvent ces quelques mots : « Grazie di esistere». Alors je ne vais pas remercier une bagnole, faut pas déconner.
Mais les gens qui ont œuvré à son existence, qui ont bossé dans l’ombre, à qui quelqu’un de chez FCA (Fiat Chrysler Automobiles) a dit : « allez-y, lâchez-vous, comme si c’était la dernière fois, parce qu’après on va se farcir Tavares, l’Europe, l’écologie, la dépression mondiale, les gens qui oublient que vivre sans passion c’est mourir, et ce ne sera plus la même ». À vous qui ne me lirez jamais : MERCI d’avoir fait exister cette Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio et de lui avoir donné cette édition limitée à l’occasion des 100 ans du trèfle.
Alors l’équipe a suivi le conseil. Ils ont fait une voiture bien sous tous rapports, sauf le premier, bridé, la ZF8 ne pouvant faire passer la fougue d’un couple sulfureux de 600 Nm (arrivant à 2500 tr) aux roues arrière. Ils ont presque soigné les légers détails. Ils ont un peu oublié les bruits de mobiliers couinants derrière le volant. Ils étaient trop occupés à faire une caisse aussi facile qu’efficace sur circuit comme sur route. Ils ont conçu cette Alfa Romeo comme l’ont été toutes les Alfa Romeo.
Mais avant de rédiger l’essai, laissez-moi vous conter comment l’histoire lui a permis d’exister. Oui, c’est long, mais utile. Puis dites-vous qu’au moins ce n’est pas une page Wikipédia passée sous ChatGPT. En 2024, ça force le respect.
Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio : la performance d’abord
L’histoire d’Alfa Romeo est fondée sur la compétition. Ça commence en 1911 avec la victoire à une course d’endurance de 1 500 km. En 1913, deux Alfa 40/60 HP finissent en tête d’une course de côte. Leur particularité : 6 L de cylindrée avec soupapes en tête commandées, par l‘intermédiaire de guides et de culbuteurs, par deux arbres à cames placés dans le carter moteur. Je n’ai pas tout compris à ce que j’ai copié d’un superbe bouquin sur l’histoire du constructeur, mais les Alfa étaient pensées pour la course avant le tourisme. C’est fou, parce que ce n’est pas du tout le cas de la Giulia QV.
Alfa va enchaîner les victoires. Même un changement de règles imposant 4,5 l de cylindrée pour 1 100 kg maximum ne poseront pas de problème. Le constructeur va jusqu’à réussir la mise au point du premier moteur à double arbre à cames d’Italie entre octobre 1913 et mai 1914, soit à peine 19 mois de développement. Mais la Grande Guerre va stopper net le succès. L’usine va participer à l’effort de cette guerre. Une fois celle-ci terminée, Nicola Romeo va encore plus s’enflammer pour l’automobile (tout en investissant dans d’autres business).
C’est déjà la troisième fois qu’Alfa survit à un souci économique (dans l’essai de la Giulia Q4 vous sont contées les deux premières), et ce ne sera pas la dernière, loin de là.
En 1921, la 20/30 HP sort dans une version ES Sport, plus rapide et plus puissante que les autres versions, et elle a une particularité : ce n’est pas une Alfa, mais une Alfa Romeo, la première voiture Alfa Romeo de l’histoire. La première pierre d’un édifice. Bon instable l’édifice, mais vaillant, comme Michelangelo, l’ange en moins m’voyez ?
Quadrifoglio Verde rage
Je pourrais m’arrêter là, mais la suite est trop croustillante pour vous laisser avec vos gressins. La première Alfa Romeo conçue comme telle et sous l’ère de l’entreprise devenue la société anonyme Alfa Romeo est la G1. Un bon morceau doté d’un 6 cylindres en ligne de 6,33 litres pouvant prendre 120 km/h et délivrant 70 ch à 2 100 tr/min, soit à peu près la puissance d’une Twingo 1 16V avec 300 000 km au compteur, et à l’époque, c’est ouf. Mais l’Italie essuie les séquelles de la guerre et devinez quoi : le gouvernement décide de taxer lourdement les grosses cylindrées. Comme si l’Europe avait commencé à appliquer son malus éc… Non rien.
Alfa Romeo se met à produire des machines à gagner des compétitions. Enfin, pas tout à fait. Ugo Sivocci est un éternel second. Ça le gave. Alors il décide de se dépasser et part s’entrainer intensément. Non, il préfère peindre un trèfle à quatre feuilles sur la carrosserie de sa RL. Aussi idiote (mais stylée) que paraisse l’idée, elle fonctionne et Alfa Romeo décroche le titre de la 14e Targa Florio. Le trèfle devient l’emblème porte-bonheur de l’écurie et de la marque.
Alfa Romeo va alors vivre son heure de gloire et enchainer les victoires, avec, aux volants de ses voitures, Ugo évidemment, mais également Giuseppe Campari et un certain Enzo Ferrari. Dans l’effervescence, l’ingénieur en chef Giusepppe Merosi décide de construire une voiture de Grand-Prix répondant à la formule 2 litres. Le moteur est un 6 cylindres à doubles arbres à cames en tête avec des chambres de combustion hémisphériques, une alimentation à aspiration libre et un double allumage des cylindres (en gros, deux bougies par cylindres, exactement comme le V6 du Maserati Grecale Trofeo qui a fait vibrer le corps et le cœur du Novichok).
Cette voiture répond au nom de P1. Un nom qui ne réapparaitra plus jamais chez Alfa Romeo, à la différence de « 8C ou Giulietta » par exemple. La caisse n’est pas folle : trop violente, trop instable, impossible à maitriser. En 1923, Alfa Romeo est en retard lors des essais de Monza. Ugo Sivocci n’a pas le temps de peindre le Quadrifoglio Verde et s’élance. Il se tue à la sortie du grand virage du circuit. La P1 ne courra plus.
Merosi ne peut pas faire mieux. Il atteint son plafond de verre, mais Nicola Romeo, lui, n’a atteint que le premier palier de ses ambitions.
Vers l’infini et au-delà : et c’est pour ça qu’on a cette Giulia
Nicola Romeo a faim de victoires et vise le championnat du monde, la vérité. Il sait que pour réussir, il faut s’entourer des meilleurs et d’un stagiaire. Il recrute Vittorio Jano non sans l’aide d’Enzo Ferrari qui va motiver Nicola à lui lâcher un salaire dément pour l’époque. Et il fait bien. Le jeune ingénieur a de la suite dans les idées. Puis son prénom signifie « victoire », si ce n’est pas un signe ça !
En 1925, les voitures de série et les voitures de course étaient totalement dissociées. D’ailleurs, vous avez lu plus haut qu’Alfa adaptait ses voitures de course en voitures de série. J’ai même ajouté que ce n’était pas le cas de la Giulia QV en essai, ménageant de manière fourbe un suspens certain. La Giulia QV de 2024 suit la démarche de conception lancée par Vittorio.
Il va créer des voitures de sport capables d’assurer sur circuit. Il va donc penser les voitures de série comme des voitures de course greffées des artifices propres aux véhicules de série et développer les deux types simultanément. Les clients Alfa Romeo achètent non plus le prestige de la marque qui remporte des courses dans des voitures adaptées à la route, mais la technologie et les performances des engins qui les remportent.
Ce n’est pas un « esprit Alfa Romeo » que l’on achète, mais une voiture de sport pensée comme une voiture de course. Vittorio va réaliser des prouesses d’ingénierie, avec la culasse incorporée aux cylindres monobloc de la 6C 1500. Bref, Alfa Romeo fait de la bagnole performante, puissante, mais surtout dotée d’une « âme ». Les voitures sont aussi belles à l’extérieur qu’à l’intérieur et ça lui le sera salutaire.
Détruite par la crise, puis la guerre, mais sauvée par son âme
Comme ce n’est pas un exposé Alfa Romeo, je termine sur les problèmes financiers du constructeur. Nous sommes en 1927 et c’est vraiment la hess comme le disent les jeunes. C’est la quatrième fois qu’Alfa risque de mourir. Les effectifs sont réduits, Nicola se sépare de plusieurs sociétés de chemin de fer. Une fois de plus, Alfa va être sauvée. Mais ni par un milliardaire mégalo ni par une plateforme de crypto. Alfa Romeo est sauvé par sa réputation.
Elle est si forte qu’elle franchit la frontière italienne. La légende raconte même qu’Henry Ford II (fils d’Henry Ford) avait dit : « chaque fois que je vois passer une Alfa Romeo, je tire mon chapeau ». Il ajouta plus tard « à chaque fois que je vois une Ferrari, je tire la bourre avec la GT40 ».
Un réseau de distribution se met en place. Alfa Romeo symbolise la perfection, l’élégance et la vitesse. C’est sûrement de là que vient l’âme de ces bagnoles. Pour vous donner une idée de la puissance de la marque : tandis que tous les constructeurs essuient des pertes colossales de -40 % à -50 % durant la crise de 1929, Alfa Romeo voit ses ventes augmenter de 20 %.
Mais bon, money is money et Alfa Romeo a ses finances qui jouent les montagnes ukrainiennes. Puis arrive la seconde guerre mondiale, 1943, un bombardement allié, 54 employés décédés, l’usine de Portello détruite, une décentralisation, 60 % des ressources HS, un pays qui a perdu la guerre et qui est ruiné. Alfa Romeo aurait dû mourir pour la cinquième fois. Mais les employés vont œuvrer à rebâtir l’usine. Alfa devient plus pragmatique.
L’Alfa Romeo Giulia : la fille prodige
Le destin dans sa clémence a préservé les monoplaces Alfetta 158. Alfa Romeo continue la compétition. Les choses vont s’améliorer, car la voiture devient un bien de grande consommation. Les clients n’ayant pas trop de thunes misent sur des petites cylindrées. L’essence ne coule pas des arbres et coute désormais cher. Alors chez Alfa, on se dit qu’on va viser large. Mais large CSP + plutôt que prolo ancêtres d’acheteurs de Duster. Bertone file un coup de crayon et la Giullietta voit le jour. Elle respire la sportivité. Elle est désirable et s’écoule à 177 688 exemplaires.
C’est dans l’usine Alfa de Portello reconstruite et désormais teintée d’histoire et de sang qu’est conçue la Giulia. Elle est présentée en 1962. En 1976, elle franchit le cap du million d’exemplaires écoulés. Parmi les variantes, une GT, une GTA et une GTAm (il y a même eu une superbe TZ, pour Tubulaire et Zagato, qui a couru les 24 heures du Mans). Le site Classic Motorsports lui a accordé un reportage ici.
Voilà pourquoi cette Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio célébrant les 100 ans du constructeur est importante ! Elle réunit tout, absolument tout ce qui a fait l’histoire du constructeur.
Maintenant, l’essai. Un conseil, prenez un café !
Une mini Ferrari, une quadrifolie !
Il y a toujours un gus qui vous sort un jour : « franchement, je ne suis trop Ferrari, je suis plus… » puis votre cerveau cesse de l’écouter. Ferrari fait rêver, et cette Giulia Quadrifoglio Verde est un morceau du rêve de Maranello.
Prenons son moteur : c’est un V6 développé par les ingés de Féfé, mais assemblé par Alfa Romeo. Résultat : il n’explose pas quand on tire dessus, mais il tombera en panne. Oh ça va, je rigole. En réalité, il s’agit du V8 F154 de Ferrari, qu’on retrouve également chez Maserati. Il a été amputé de 2 cylindres, mais garde son orientation à 90°. Il a la capacité de désactiver des cylindres au cas où vous choisiriez, pour des raisons obscures, de rouler piano piano avec.
Il succède au monument qu’est le V6 Busso atmo de fort belle manière. Et le son qu’il émet laisse entendre un Busso Na Busso vrombissement à la fréquence aigüe, si caractéristique des moteurs italiens.
Les étriers avant à 8 pistons sont identiques à ceux de la California T. Il faut bien ça pour contenir l’écurie de 520 chevaux enragés qui ne demandent qu’à s’exprimer.
D’ailleurs, la Giulia Quadrifoglio est bridée en première (je l’ai dit plus haut, il faut suivre). La boite ZF8 n’étant pas capable d’encaisser le couple du premier rapport, il faut attendre la seconde pour être propulsé. Un premier rapport en retenue permet d’établir une relation saine et fougueuse par la suite.
Le mode de la Quadrifoglio qui vous met votre RACE
La Giulia QV propose trois modes : D, N et A. Un rappel peu subtil à l’ADN sportif du constructeur. Le mode N pour Natural est le mode cool confort ou relax. Le mode A sert à contrôler les hanches de la bête sur route glissante. C’est qu’avec les 520 ch aux roues arrière, la belle Italienne aime danser dès qu’elle en a l’occasion.
Le mode D pour « Dynamique » est un mode Race pour ceux qui veulent continuer de vivre en étant vivants. Disons que l’échappement s’exprime enfin un peu, la pédale peut vous propulser assez vite vers le délit, mais les aides vous permettent de garder le contrôle.
Le mode RACE, n’est, pour le coup, pas une appellation marketing. Maintenez le bouton tourné à droite pendant 5 secondes. Une sécurité pour que le système soit certain que vous êtes inconscient. Un bip s’enclenche pour vous prévenir que les aides à la conduite ont posé un RTT d’arrêt maladie sans solde et que vous êtes désormais en tête-à-tête avec l’Italienne. Une Italienne pleine de rage qui a envie de danser avec vous et de vous faire suer.
Le coup sur la pédale vous propulse de 0 à 100 km/h en 3,7 secondes, fumant la Hygrekperf. Le V6 s’exprime à travers une ligne Akrapovic. La montée dans les tours est d’une violence jouissive. Vous vous sentez plus vivant que jamais, avec la mort assise sur le siège passager. Vous avez les zygomatiques qui se contractent, les mains qui se serrent, les muscles qui s’approvisionnent en oxygène et votre vision obstrue tout ce qui n’a rien à voir avec la route. L’alcantara du volant absorbe la moiteur de vos mains. Votre cerveau synchronise l’image qui défile très vite au son qui monte très fort et très haut.
La Q4 était fougueuse, la QV est rageuse
Le châssis, qui s’ennuyait dans la Q4 s’amuse enfin. Il épouse le relief du sol, encaisse les contraintes latérales, les freinages, les accélérations, et ce, sans montrer le moindre signe de faiblesse. À deux écrous de balancer un « donne m’en plus » qui, en italien, se dit « dammi di più ». L’arrière se place si facilement, si précisément. Il faut le vivre pour le croire. La Giulia rivalise avec une 911 sur le test de l’élan et une fois au volant, en mode Race, vous savez pourquoi. Le plus fou dans tout ça, c’est que vous n’avez pas besoin de rouler vite pour apprécier la précision et la facilité de l’italienne.
Les freins chourrés à la California T sont enfin correctement dimensionnés (ils étaient faiblards sur la Q4) et se permettent même d’offrir une progressivité digne de ceux d’une GT3 RS. La course est longue, mais suffisamment souple pour ne pas perdre de temps sur un dégressif.
Il y a plus d’informations qui remontent au volant que BFM n’en diffuse un jour de prise d’otages. Tellement que vous pouvez connaître l’âge d’un arbre en roulant sur une de ses feuilles. Les suspensions sont pilotées et offrent une détente qui frôle la perfection, y compris en mode Race.
Mais le plus beau, c’est que même en laissant filer l’arrière, le châssis n’est pas dépassé et un modeste dosage de l’accélérateur suffit à la remettre dans le droit chemin.
Alfa Romeo Giulia Quadrifoglio : une familiale pour égoïstes
Malheureusement, si la Q4 pouvait servir quotidiennement aux familles, pour peu que le coffre suffise, la Quadrifoglio Verde en est incapable. Le moteur n’a de cesse de vouloir partir un jour sans retour pour libérer son amour. Il veut être libre ou ne pas être. Le problème, c’est qu’il agit de la sorte, même en mode Natural. La ZF8, elle, est sur le qui-vive. C’est qu’elle n’a pas été mise dans la voiture pour souffrir OK ? En résultent des à-coups désagréables qui ont filé la nausée à madame et aux enfants. Installés à l’arrière.
Peut-être que j’étais trop fougueux de mon côté et qu’il est possible de gérer l’excès de folie du trèfle vert à quatre feuilles de façon plus platonique. Mais, assis au volant, l’alcantara caressant le bout de vos doigts, la vibration du V6 sous vos pieds, la position de conduite idéalement calibrée grâce aux baquets, en aurez-vous vraiment envie ?
Pour le reste, à l’instar de sa petite sœur, la Giulia Quadrifoglio est portée sur la boisson. Avec 20,5 litres aux cent kilomètres et au moins 13 bons litres en moyenne en conduite cool, associés au malus écologique de 60k € et à l’assurance assassine, l’Italienne coute cher, très cher, trop cher. Certes moins que n’importe quelle Féfé ou Maserati, mais elle douille quand même.
Une beauté bestiale que vous ne pouvez plus acheter
Il a fallu moins de 2 mois pour que les 100 exemplaires de cette édition limitée trouvent preneurs. Elle restera donc un doux rêve s’effaçant au fil du temps et c’est déjà énorme pour un modeste stagiaire d’un petit blog de bagnoles.
Si la Q4 intriguait, la QV fait tourner les regards et saluer les motards. Elle a suscité admiration et respect. Elle est différente et élégante. Le genre d’engin de connaisseurs. Le genre de caisse à faire lever des pouces, esquisser des sourires et soulever les chapeaux. Malheureusement, elle est la dernière de la lignée. La prochaine sera électrique. Si l’horlogerie a réussi a faire du quartz une merveille (Bulova Acutron et Seiko Spring Drive), peut-être qu’Alfa saura insuffler de la passion dans les électrons. Mais quoi qu’il en soit, ce ne sera pas pareil.
La version standard de la QV est encore configurable ici avant qu’il ne soit trop tard. Sous réserve de disposer de 170k €…
Je termine ce trop long récit par une citation de ma femme qui ne peut mieux décrire cette Giulia Quadrifoglio Verde 100e anniversaire : « on dirait une voiture de Gran Turismo en vrai ». Sachant que ce jeu a pour objectif de sublimer l’automobile, n’y a-t-il pas plus juste et plus beau compliment ?
Voici les photos que vous pouvez télécharger en 2500 px de large si elles vous plaisent. Les notes sont juste après.