N’en déplaise aux pseudo-puristes, en 2025 le Jeep Wrangler embarque une motorisation hybride rechargeable, appelée 4Xe, qui autorise une trentaine de kms en mode tout électrique. Est-ce que l’énorme batterie de 17 kWh empêche notre Wrangler de grimper aux arbres, comme il a toujours su faire par le passé ? Ne s’est-il pas SUVifié comme le veut la mode actuelle ? Est-ce que, en fin de compte, papy Willys serait toujours fier de lui malgré la modernisation qui fait grincer des dents ? On va voir tout ça ensemble avec un magnifique exemplaire bleu Anvil en version Rubicon, avec lequel j’ai passé une dizaine de jours et plusieurs centaines de kilomètres dans la boue.
Rubicon ? Sahara ? Késaco ?
Au moment d’écrire ces lignes, en décembre 2024, la gamme française du Jeep Wrangler est composée de deux versions du modèle : Sahara et Rubicon. Seule la version longue est par ailleurs commercialisée, avec 5 portes et 5 places assises à bord. Et il n’est plus possible d’avoir un Jeep Wrangler 100 % thermique chez nous. Seule la motorisation hybride 4Xe, qui associe un 2.0 L essence à un moteur électrique, est disponible au catalogue.
Sahara est la version… on va dire d’entrée de gamme et c’est la version la plus « civilisée » du modèle. Elle est un peu plus basse et moins « dépouillée » que notre Rubicon, qui est taillée pour l’aventure hors piste. Garde au sol surélevée (253 mm vs. 242 mm), meilleurs angles d’attaque 36,6° vs. 35,8°) et de fuite 21,4° vs. 20,2°, le Rubicon se distingue en plus par une sellerie spécifique, une caméra spéciale off-road avant et arrière, une suspension renforcée ou encore une transmission intégrale spécifique.
Côté tarifs, le Sahara est vendu à partir de 81 700 euros tandis que le Rubicon est chiffré à partir de 84 200 euros. Les deux versions ne sont pas soumis au malus écologique 2024 et revendiquent 16 chevaux fiscaux (quand même !).
Concernant les dimensions, les deux versions affichent 4 882 mm de long, 1 894 mm de large pour une hauteur qui varie de 1 838 à 1 901 mm selon la version et les options. L’empattement est le même pour tout le monde : 3 008 mm, et le volume de coffre s’étend de 533 à 1 910 L selon si les sièges sont en place ou rabattus. Le volume du réservoir fait très exactement 65 L avec au moins 13 L de réserve d’après ma propre expérience.
Bienvenue à bord !
En montant dans le Wrangler, on comprend très vite l’utilité des poignées placées au niveau du pare-brise, de chaque côté, car le terme « monter » est très approprié : on a l’impression d’entrer dans un camion. Allez, au moins dans un utilitaire. Pour rappel, la garde au sol est de plus de 25 cm et la hauteur totale du véhicule, avec notre soft top, est de 1,90 m.
On est accueilli dans une ambiance à l’ancienne qui fait franchement du bien. Pas de réglage électronique de sièges (ultra confortables), une multitude de boutons physiques (j’en peux plus du tactile non justifié) et surtout des tapis de sol en caoutchouc (traduction : tu peux monter avec les pieds sales, c’est pas grave). J’adore !
Mais attention parce que « à l’ancienne » ne veut pas dire nul ou mal fini, bien au contraire. Très vite on prend ses marques et, après avoir configuré son téléphone en Apple CarPlay / Android Auto filaire, on profite du 2.0 L 4 cylindres qui ne s’est pas encore allumé alors qu’on roule sur la départementale.
Ma version d’essai était équipé d’un soft top, c’est à dire d’un toit ouvrant qui prend la totalité de la surface du toit. Une sorte de cabriolet sans en être un, un peu comme les Fiat ou les Abarth 500. Chaque bouton est dur à actionner, il en est de même pour les commodos ou même le levier de la boite « 4×4 ». C’est à l’ancienne. C’est même « viril » même si j’ai peur qu’en 2024 on n’ait plus le droit de dire ça sans risquer de shitstorm féministe. BREF. J’ai adoré me téléporter dans un autre monde, celui où on ressent physiquement l’auto. Ça clique, ça claque, parfois ça ne s’enclenche pas du premier coup (comme avec la boîte courte)… mais qu’est ce que ça fait du bien de retrouver un intérieur intuitif, utilisable les yeux fermés.
Sur la route en Jeep Wrangler
Comme dit plus haut, le Jeep Wrangler associe un moteur thermique 2.0 L 4 cylindres de 272 chevaux à un moteur électrique qui développe 145 chevaux. Ensemble, ce sont exactement 380 chevaux qui sont attendus à l’appel pour très exactement 637 Nm de couple. Le 0 à 100 km/h est expédié en 6,5 sec pour une vitesse maximale de 156 km/h pour le Rubicon et 177 km/h pour le Sahara.
Pour rappel, on est sur un PHEV qui embarque une batterie de 17,3 kWh et qui promet une quarantaine de kms d’autonomie électrique. Dans les faits, on fera plutôt une trentaine de kilomètres sans solliciter le moteur thermique. C’est peu mais c’est le prix à payer pour ne pas payer des dizaines de milliers d’euros de malus en France.
Autrement dit, aussi modernisé soit-il, le Jeep Wrangler de 2024 reste avant tout une vraie Jeep, avec tous les bons et les mauvais côtés. Par exemple, quand on roule en mode propulsion, le train avant a tendance à se balader de droite à gauche dès qu’on dépasse disons 80 ou 90 km/h. Ça oblige à corriger la trajectoire en permanence en bougeant le volant, comme dans les vieux films en noir et blanc. Et pendant qu’on corrige la trajectoire, les oreilles des plus sensibles saignent car les bruits d’air sont permanents et forts avec le toit en toile. Sans parler des pneus (BF Goodrich Mud 3) qui sont prévus pour l’offroad et qui font un boucan d’enfer sur du bitume, un classique.
Là où on va, on n’a pas besoin de route
J’avais déjà conduit plusieurs Jeep dans ma vie dont quelques Wrangler, Grand Cherokee ou autres Cherokee trail hawk lors des éditions 2012 ou 2013 de Jeep Academy, dans une autre vie. De plus, j’ai régulièrement l’habitude de squatter la place passager d’un Cherokee préparé off-road de mon frère (que vous verrez ici même en photos) lors des multiples sorties dans la boue que l’on organise (ou improvise) tous les ans. Cela fait plus de 10 ans que je suis convaincu par les capacités vraiment incroyables de ces machines à grimper et à passer absolument partout. Je me souviens qu’à l’époque, les gros 3 L V6 Diesel étaient fantastiques en tout-terrain (en plus d’être super dynamique sur route). La seule limite d’un Wrangler en tout-terrain était la gravité, en plus de 2-3 lois physiques à la con. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Notre « petit » moteur associé à une (grosse) pile arrive-t-il à la cheville des générations précédentes ?
Sans le moindre suspens, oui. C’est pareil. Enfin, c’est différent mais c’est pareil. C’est différent parce que le moteur thermique est aidé par un de ses camarades électriques qu’il faut penser à recharger. Et c’est pareil parce que ça passe toujours partout avec la même facilité.
Boîte courte, blocage de différentiel avant et arrière, crochet de remorquage arrière bien costaud, pneus BF Goodrich Mud 3 : voici les ingrédients d’une sortie 4×4 réussie.
Tout comme dans la fameuse blague « Chuck Norris a toujours raison. Sauf une fois, il croyait qu’il avait tort, mais en fait il avait raison. », un Wrangler ne s’embourbe jamais. Sauf si on passe mal la vitesse. Et c’est là qu’on va commencer à parler de certains défauts, ou plutôt de certaines particularités, d’un 4×4 hybride rechargeable comme notre Wrangler 4Xe.
Premièrement, le levier de vitesse courte est uuuuuuuuuultra dur. Au point que je me suis demandé pendant plusieurs minutes s’il ne fallait pas actionner un embrayage ou quoi (sur une boîte auto) pour l’utiliser. Finalement non, il faut simplement se mettre en P pour raccorder le pont avant puis en N pour passer en Low (comme dans toutes les Jeep). Sauf que le passage en Low est un poil capricieux, ce qui m’a valu plusieurs fois de me croire enlisé alors que j’étais uniquement au point mort.
Le point mort qui va de pair avec le deuxième point négatif : le moteur électrique. Il faut absolument penser à désactiver le mode hybride (plutôt se mettre en mode regénération maximale pour rentrer de la balade avec la batterie pleine) car là encore, on peut être désorienté. Imaginez deux secondes : vous vous arrêtez en pleine forêt pour [peu importe la raison], il pleut, vous êtes fatigué, vous ne savez plus si vous aviez coupé ou non le contact. Vous remontez dans la voiture, vous passez en Low (sauf que non car vous êtes nul comme moi), vous mettez la première et là…. il ne se passe rien. Vous démarrez la voiture sauf qu’en fait vous l’éteignez vu qu’elle était restée tourner sur le moteur électrique, du coup vous la re-redémarrez. Vous re-repassez mal le Low, vous accélérez, il ne se passe toujours rien. Vous n’entendez rien car le moteur électrique ne fait aucun bruit. Vous pensez que vous avez réussi à planter la Jeep. Vous vous sentez nul. Vous réessayez pour la énième fois à enclancher cette foutu Low et là vous y arrivez, toujours sans le monde bruit la voiture avance, doucement mais sûrement.
C’est sûrement une question d’habitude mais ce sont deux seules choses relou que j’ai notées durant mon essai. Autrement dit, que ce soit en confort, en franchissement, en garde au sol, en tout, le Wrangler 4Xe de 2024 s’est avéré parfait en franchissement. Là où certains 4×4 mal équipés de notre balade avaient du mal à trouver la motricité nécessaire, le Wrangler a fait 90 % du parcours sans mettre la boîte courte. Et j’avais encore deux jokers sous la main : blocage du pont avant et arrière.
Jeep, l’antonomase ukrainienne pour dire 4×4
C’est quoi une antonomase déjà ? Mais voyons, ça vient du du grec ancien ἀντονομάζειν comme tout le monde le sait. Il s’agit d’une figure de style qui consiste à remplacer un nom propre par un nom commun ou un nom commun par un nom propre pour exprimer une idée, comme dire un Sopalin pour désigner un essuie-tout, ou Judas pour désigner un traître. Merci Wikipedia.
Et bien figure-toi, chère lectrice ou cher lecteur, que chez moi en Ukraine on utilise le mot « Jeep » pour tout bonnement désigner un 4×4. Qu’il ait une forme de 4×4 classique ou de pick-up d’ailleurs. Tout ce qui est fait pour franchir des obstacles hors piste, ce sont des Jeep. C’est comme ça. Il n’est par ailleurs pas rare d’entendre qu’un tel a acheté une Jeep Pajero ou qu’un telle brigade fait une collecte pour un Jeep Navara. Tout ce qui est de près ou de loin fait pour le off-road est une Jeep.
D’où vient cette réputation, qui semble être généralisée à d’autres pays de l’Est ? La Willys MB bien sûr. Ce 4×4 robuste qui aura, entre autres, inspiré la lignée des Suzuki Jimny mais ce n’est pas la question. Les Soviets ont bien repéré les petits Willys tout mignons, transportant des troupes américaines partout sans la moindre difficultés. Que ce soit en Normandie ou à Berlin. La première Willys a été produite entre 1941 et 1945 et pesait à peine une tonne.
Le saviez-tu ? L’origine du nom « Jeep » est sujette à controverse et possède plusieurs explications. Certains estiment qu’il dérive de l’acronyme « GP », désignant « General Purpose » ou « Government Purposes », issu du nom de code « Ford GP-W ». Cependant, cette étymologie est contestée, notamment par R. Lee Ermey (un mec qui s’y connait en Jeep), qui souligne que le véhicule n’était pas conçu pour un usage général et que les conducteurs ne connaissaient probablement pas cette appellation. D’autres attribuent le nom à « Eugene the Jeep », un personnage de bande dessinée des années 1930, connu pour ses capacités extraordinaires. Le mot « jeep » était aussi utilisé dès la Première Guerre mondiale pour désigner un nouvel engin motorisé ou, plus généralement, une personne inexpérimentée. Enfin, l’acronyme « Just Enough Essential Parts », en référence à la simplicité du véhicule, aurait pu être créé par les GI après son déploiement. Willys-Overland a officiellement déposé la marque « Jeep » en 1950.
Conclusion
Le Wrangler 4Xe gagnerait à avoir une charge rapide pour encore plus réduire la consommation d’essence que je trouve élevée, avec mon pied droit lourd. En off-road, il faut compter 18-20 L / 100 km de consommation d’essence pour une bonne dizaine de L / 100 km en usage classique, pour 12 L / 100 km sur mes 1 700 km parcourus.
Côté électrique, comptez une vingtaine de km d’autonomie dans la vraie vie malgré les 17 kWh de batterie. Je vous laisse faire le calcul pour déterminer la conso moyenne.
Pour le reste, on est clairement sur un coup de cœur de fin d’année 2024, comme j’ai déjà expliqué sur Automobile Propre. Je n’ai absolument pas besoin d’un Jeep Wrangler dans ma vie mais j’en veux terriblement un !