Dernière partie des essais avec la plus lourde, la plus puissante et la plus chère des Anglaises de cette folle journée : l’incroyable Bentley Arnage.
Le contexte de l’essai
Si vous tombez sur cet essai sans avoir vu les deux premières parties de ce trip[tyque] anglais, vous n’êtes pas obligés de les lire. On change totalement de monde avec cette Bentley Arnage. Pour autant, ça me fait plaisir de vous résumer le contexte. Guillaume m’invite pour un plan à 3 avec son frère (oui, il faut toujours du sexe dans un récit pour créer le désir de lecture) afin de découvrir dans une même journée, une Lotus Elise, une Lotus 2-Eleven et une Bentley Arnage.
La Bentley Arnage
Je parle de découverte à juste titre car je ne connaissais pas du tout la Bentley Arnage. Ce nom fait référence au patelin traversé par le circuit des 24h du Mans. Avec mes goûts de footballeur professionnel, j’ai plus en tête la Continental GT de toutes les générations, la Flying Spur pour la version berline ou même la dernière fabuleuse Batur produite par le carrossier Mulliner.
Pour rappel, Bentley a appartenu à Rolls-Royce de 1931 à 1998 (champion du monde mon frère) avant d’être rachetée par le groupe Volkswagen. L’Arnage devient donc la première Bentley allemande. Va-elle gagner en fiabilité ? Nous allons le voir. (Pas vraiment mais c’est bien le teasing dans les articles.) La Bentley Arnage est une limousine de luxe. Et le luxe a un prix.
Le prix stratosphérique de la Bentley Arnage T
283 450 €. C’est le prix de la Bentley Arnage T à sa sortie en 2007. T pour Turbo. La version la plus performante notamment grâce à sa nouvelle boîte ZF6. On y reviendra longuement. Aujourd’hui, on peut trouver/acheter une Bentley Arnage T pour 3 à 4 fois moins cher, entre 30 000 et 90 000 €. En fonction du millésime, de la configuration et de milliards d’autres critères. Pas le meilleur investissement spéculatif à l’époque.
283 450 €, c’est aussi le prix des voitures qui n’ont plus vraiment de prix. Comment juger de la valeur d’une auto ? Par rapport à son histoire, son style, sa motorisation, ses options, ses performances, sa rareté ? Cette somme me paraît complètement folle et démesurée. Pour autant, si je vous dis Rolls-Royce, vous dites oui. Eh bien, c’est pareil (ou presque) avec cette Bentley. Et à ce prix, vous avez 3 pages d’équipements.
Le physique de la Bentley Arnage
Même après cet essai, je crois que je n’arriverais pas à reconnaitre une Arnage d’une autre berline/limousine Bentley. Ça reste des paquebots de 5 m (et plus) ultra luxueux sans être totalement ostentatoires physiquement. J’adore la face avant avec cette calandre emblématique et les 4 feux au bout d’un long capot couvrant le fameux V8.
C’est par le profil qu’on perçoit le mieux la couleur marron « Stelitte » (bronze métallisé) avec des reflets légers et fins. Elle rend difficilement en photos mais elle est subtile et belle dans la réalité. Les quadruples sorties d’échappement donnent l’info sur la puissance du monument. Seuls les feux rouges et blancs à l’arrière trahissent des années démodées et sont peu harmonieux avec l’ensemble.
Un intérieur dingue et immense
Je commence l’essai par la meilleure place, celle à l’arrière. C’est faux, la meilleure est largement celle derrière le volant. Pour autant, comme passager avec Guillaume pour chauffeur, on s’émerveille de tout. Déjà, on ne s’aperçoit pas quand le moteur démarre. Ensuite, on touche à tout. Encore et encore. Enfin, on ouvre tout. Comme si on fouillait dans un château pour découvrir meuble après meuble les mystères de chaque pièce.
Toutefois, mon oreille (sensible) tique sur la partie centrale entre les deux sièges avant. Guillaume me prévient qu’il s’agit d’un bruit de frottement entre les cuirs qui nécessiteront un entretien particulier. De mon poste, j’ai aussi l’impression que la pièce grince du fait de sa rigidité et surtout de sa taille. Comme si elle était en trop forte tension. Obligatoirement, à 283 450 €, je mets ma casquette d’inspecteur des travaux finis et je cherche la petite bête. Cela doit sûrement se corriger et Guillaume prendra le temps de s’en occuper.
La Bentley Arnage : le rêve d’ado de Guillaume
Guillaume est l’heureux et comblé propriétaire de cette Bentley depuis juste 2 mois. Et il me la confie déjà. Certes en sa présence, mais ça démontre la générosité du bonhomme et surtout la folie puisqu’on rappelle qu’il réalise la plus belle collection de Lotus en Europe avec son frère Thibault. Et quelle ironie de la vie. Guillaume qui ne jure que par le « light is right » avait d’autres rêves adolescent. Le rêve d’une Bentley Arnage de 2 585 kg avec un poster de celle-ci dans sa chambre. Nous avons le même âge mais de mon côté, je rêvais de Porsche 911. Finalement, il avait encore plus des goûts de luxe que les miens.
Je trouve ça génial de réaliser son rêve d’ado en s’offrant son vaisseau amiral 25 ans plus tard. Et surtout quand il correspond à son fantasme. Tout en restant critique. Faut dire qu’avec près d’une dizaine de Lotus, Guillaume s’y connaît en Anglaises capricieuses. Notamment au niveau de l’électronique. On n’a jamais réussi à enclencher le régulateur de vitesse malgré les 4 boutons tout moches sur le gros volant. Ni à faire fonctionner le GPS sur l’écran amovible à la définition de Mega Drive. Mais finalement, on s’en tape quand on conduit cette majesté.
La Bentley Arnage rend heureux
Est-ce que les bagnoles peuvent rendre heureux ? Oui. Oui et oui car c’est prouvé scientifiquement dès qu’on s’installe sur le siège conducteur de cette Bentley Arnage. Evidemment, il ne s’agit que de ressentis personnels codifiés par une société de consommation et d’opulence. Je termine mon laïus de gauchiste pour reparler encore et encore de cette fabuleuse auto. Même en roulant, on admire la beauté de ce travail d’orfèvrerie. Une nouvelle fois, on touche tous les matériaux tellement ils apparaissent de haute qualité. Pour ne pas dire de haute couture. Des sièges en passant par les moquettes jusqu’au tableau de bord. Tout comme Guillaume, j’ai eu une fascination pour le métal des aérateurs. Des pièces taillées qui apportent une texture totalement singulière. Au point de devenir glacés avec le froid de la climatisation. Car oui, contrairement à une Lotus Elise et à une Lotus 2-Eleven, dans une Bentley Arnage, on a la clim.
La conduite de la Bentley Arnage
Les Bentley doivent permettre de balader les milliardaires dans un confort absolu. Donc la conduite doit s’adapter à ce principe. Pour cela, les ingénieurs bossent particulièrement les caractéristiques des pédales. Afin de ne jamais brusquer. Ni à l’accélération, ni au freinage. D’ailleurs si on démarre facilement, on ne tarde pas à rigoler nerveusement quand on souhaite ralentir. Vous avez déjà conduit une bagnole de 2,5 tonnes datant de 2007 ? Moi non. Mais deux datant de 2022. Le Ford Explorer et l’Audi Q8. On perçoit vite la différence de technologie et de philosophie. Ici, pas d’hybride rechargeable. Si on lâche la pédale d’accélérateur sans appuyer sur celle du frein, on termine tout droit dans le mur. Ou le platane.
Déjà, le premier quart de course sur la pédale pour freiner ne sert strictement à rien. Juste à la limite pour s’échauffer. Ensuite, le deuxième quart commence à réduire la vitesse. Après, le troisième quart freine. Et là, on est content. Puis, le dernier quart freine fort. Et là, on a la tronche dans le pare-brise. On rappelle que la Bentley propose des performances ahurissantes pour son gabarit.
Le moteur V8 et la boîte ZF6 de la Bentley Arnage T
Voici donc la fiche technique de l’Arnage T : V8 biturbo de 6,75 l de 507 ch. Doit-on en rajouter ? D’accord, on y va pour un 0 à 100 km/h en 5,7 secondes. Dans le même temps qu’une GR Yaris qui pèse la moitié de son poids. Je vous confirme que les chiffres sont bons. Sans chronométrer et en passant la boîte en séquentiel, on comprend rapidement le temps annoncé. Tout comme le couple supérieur à 1 000 Nm. C’est démentiel et on peut tracter 12 Bentley (ou presque) avec son Arnage T. Un dernier chiffre pour la route : 288 km/h en vitesse max. Ce que je n’ai jamais atteint. D’ailleurs, sur ces routes ouvertes, je n’ai jamais dépassé la limite autorisée et même l’inverse, j’ai roulé en dessous des vitesses.
C’est toujours le cas dans ces situations : plus les voitures sont puissantes, plus je roule lentement. Paradoxalement, on apprécie encore plus la Bentley à 100 km/h plutôt qu’à 130. On reste à 80 km/h sur les départementales et on profite de sa caisse de milliardaires. On se dit que la vie est belle et on aimerait continuer de rouler indéfiniment.
Auparavant, l’Arnage disposait d’une boîte à 4 rapports. En passant à la ZF6, l’Arnage T change complétement de visage avec aussi un mode « conduite sportive » qui abaisse légèrement la hauteur de caisse. Difficilement perceptible en comparaison du mode « conduite normal » (sans « e » car les Anglais n’aiment pas les Français) contrairement à la différence du mode automatique de la boîte avec celui séquentiel qui change tout. Le premier donne de la fluidité et du silence. Le second délivre de la fureur et de la performance. J’ai tellement adoré descendre les rapports pour énerver le V8 à l’énorme cylindrée. Jouissif à tous les coups.
Les routes nationales puis l’autoroute pour éviter le roulis
Pour les 240 km au volant de la Bentley Arnage, Guillaume a sélectionné un itinéraire pour rejoindre Dijon et en repartir avec des nationales à l’aller puis de l’autoroute au retour. Là où la Bentley sera la plus à l’aise, là où l’on rencontre le moins de virages. Car si on sourit au freinage, ce n’est rien en comparaison du roulis. Ce mot a été inventé pour l’Arnage. On ne tangue pas, on s’effondre. Et encore, je n’ai jamais eu d’angle dépassant les 90°. Juste une variation de 20° sur le volant amène la roue intérieure à plonger dans des profondeurs abyssales. On s’habitue à tout dans la vie mais je n’étais pas prêt à ça. Surtout après une session en 2-Eleven, la nécessité de se remettre en condition arrive immédiatement au premier virage/freinage. Même un bateau en pleine tempête aura moins d’oscillations que cette Bentley.
Que devient un milliardaire après l’achat d’une Bentley Arnage ? Un millionnaire.
Autre léger défaut, les amortisseurs à l’arrière. Les sphères semblent moins fraîches après 75 000 km et l’expertise annonce un changement nécessaire dans quelques milliers de kilomètres. Rien d’alarmant mais on sent que ça fait moins bien le boulot qu’à l’avant. Outre les révisions classiques, on devine que les consommables vont coûter un bras sur ce genre de monture. Le plus triste doit être sa décote. Tant mieux pour Guillaume qui a pu s’offrir ce rêve mais on a mal au cœur en voyant ce travail à la main perdre autant de valeur. C’est la vie des bagnoles et surtout de certaines comme l’Arnage T.
Dernier point sur l’argent qui s’envole : la consommation. Avec mes accélérations en sortie de péage et mes reprises pour doubler, je m’attendais à du 20 l/100 km. Mais finalement, j’ai tellement roulé tranquillement la majorité du temps qu’on arrive à un honorable 14 l/100 km. Certes au prix du SP98, ça fait un bon budget carburant. Surtout avec un réservoir de 96 litres !
Conclusion de ce trip[tyque] anglais avec la Bentley Arnage
On pourrait écrire 20 000 lieues sous les mers mots sur la Bentley Arnage tellement c’est une fabuleuse bagnole. Entre son luxe, sa puissance et son confort, on profite d’un chef d’œuvre d’artisanat à chaque instant. Le roulis et les quelques défauts qui se corrigeront prochainement avec un entretien spécifique s’oublient tellement ce monument est réjouissant à conduire.
Cette Bentley conclut une somptueuse journée débutant par une limousine anglaise puis la plus extrême des Lotus en passant par la classique et iconique Elise. L’Arnage T amène tout l’opposé des Lotus : le luxe, le confort et le poids.
Guillaume et Thibault constituent un garage britannique avec passion, travail et humour. Il en faut quand sa bagnole ne démarre pas. Ou quand elle s’arrête sans qu’on sache pourquoi. Ah si, parce qu’elle n’a pas envie aujourd’hui. Mais surtout, les frères roulent régulièrement leurs bagnoles. Ils n’accumulent pas des trésors pour les cacher dans des musées privés. Et sûrement ce qui me plaît autant : ils partagent. Que ce soit une bagnole à 15 000 balles retapée ou un monument à 283 450 €, ils filent les clés avec plaisir et générosité. Des grandes qualités qui donnent envie d’y retourner pour les retrouver.