The Girl from Ipanema est le titre le plus connu de la Bossa Nova, mélange de jazz et de samba né au Brésil dans les années 50. Le titre, composé par Antônio Carlos Jobim et écrit par Vinícius de Moraes initialement destiné à une comédie musicale a été revu par le duo d’artistes dont l’inspiration était une jeune brésilienne de 17 ans, qui passait régulièrement devant le bar dont ils étaient des habitués. Les paroles signifient en français : « une fille bronzée, entre la fleur et la sirène, pleine de lumière et de grâce mais avec un fond de tristesse, aussi portait-elle en elle, sur le chemin de la mer, le sentiment de ce qui passe, d’une beauté qui n’est pas seulement nôtre — c’est un don de la vie que son bel et mélancolique sac et ressac permanent. »
C’est exactement ce que j’ai ressenti en essayant la Cupra Born. A tel point que je n’avais plus envie de faire de blagues. L’alcool aidant, j’ai pu me remettre dedans, après quelques caïpirinhas corsées. Pourquoi ? ah ça…
Une Cupra Born pour épicer une ID3
Avec Cupra, Seat a souhaité apporter un peu de piment mixé au premium à sa marque plutôt généraliste. Avec la Born, Cupra a réalisé une sorte d’ID3 épicée. Reste à savoir s’il s’agit de piment de Porsche Cayenne ou de cette arnaque qu’est le paprika. Nous avons mis la main sur la version 204 ch milieu de gamme mais avec 2 370 € d’options pour l’extérieur. On a dit Ipanema, pas la place Stalingrad à Paris.
Cupra Cabana
Cupra ne vous parle probablement pas. Ou en tout cas, ne parle pas à la majorité de votre entourage, à moins qu’il n’habite le 94, le 77 ou éventuellement le 93. Cupra était à Seat ce qu’était Renault Sport à Renault ou AMG à Mercedes, ou Motorsport à BMW ou les frittes Cajun à 5Guys. Une branche dédiée au plaisir et à la performance, pour épicer une vie d’automobiliste bien fade.
Chaque département s’affrontait à coup de record au Neurbeurgringe Niurbeurgreen Nürburgring, de chevaux de plus en plus nombreux, entretenant ce rêve de la hashback GTI. Puis, le 1er janvier 2008 nous extirpa du rêve et le malus écologique fit son apparition. Un malus qui semblait innocent mais qui actait la mort de ces caisses plaisir abordables.
Seat ne pouvait plus continuer à vendre ces voitures pourtant terriblement attachantes. Le malus les plaçait à un tarif sur lequel la marque ne pouvait se positionner. Luca de Meo n’abandonna pas Cupra et lui donna même son envol. Le 22 février 2018, Cupra n’est plus une finition. C’est une marque. Une vraie, qui évoque la sportivité et l’agressivité.
Mais les débuts furent difficiles et il a fallu attendre le Formentor, pour qu’un modèle propre à Cupra ne voit le jour. Modèle testé par le patron dans sa version la plus puissante. Modèle qui a permis à Cupra de passer de 6,4 % à 14,2 % des ventes de Seat.
Puis voici la Born. Et comme la fille de la chanson, malgré son allure à faire tourner les têtes, elle cache en elle une certaine tristesse.
Cat ère in « La Born » avec style
Si le Formentor est une voiture assez réussie, tant sur la ligne que les prestations, la Born peine à cacher son origine : la Volkswagen ID3. Pour y arriver, Cupra décidé d’énerver un peu la caisse électrique de Volkswagen pour lui donner du caractère. La marque avait le choix entre la laisser fermenter 18 mois dans une grange ou lui donner un look VNR SAMER. La seconde option fût choisie.
On se retrouve avec une caisse qui a une gueule bien sympathique. Une ligne fluide aux éléments qui claquent autant la rétine que le porte-monnaie.
Il faut dépenser 2 370 € supplémentaire pour cette configuration extérieure avec ces jantes bi-ton (1 160 €), cette peinture d’un vert bleu Aras de Spix (c’est un perroquet brésilien vêtu d’un Tanga) pleine de reflet au soleil (960 €) et des vitres teintées à l’arrière (250 €).
L’ensemble est élégant et l’aspect baleine de l’ID3 est assez bien camouflé. On a toujours l’impression de nous voir, moi et mon bide, en jogging après une soirée pizza, mais en jogging Balenciaga.
Tous ces artifices aident à l’écoulement de l’air pour limiter celui des électrons.
On se sent bien. On trouve de l’espace à Born bord et étrangement, on n’a pas l’impression d’être dans une caisse électrique.
La grande tablette est toujours présente. C’est chiant et pas esthétique mais ça fait sortir les chèques en concession alors on en met. Le virtual cockpit a subi un régime « Fat Born burn » : on dispose des infos minimales avec les aides à la conduites actives, la vitesse et une icône sortie des smartphones de 2015 indiquant l’autonomie via une petite jauge dont un rappel chiffré apporte un peu plus de précisions.
On termine par le siège. Il est cool, mes fesses tiennent bien et ma graisse ne déBorn déborde pas. D’ailleurs mon gros popotin sert aussi de clé de contact. Enfin de bouton start. Car dans la Born, le bouton start, c’est vous. Enfin votre séant. Si vous vous faites « carjacker l’auto », le fait de vous retirer du siège coupera le moteur et si la clé est avec vous, le voleur l’aura dans le Q certes, mais ne pourra surtout pas démarrer avec, lui !
Plus tactile que la plus tactile de tes titines cette Cupra Born
Très vite, on se met à chercher les boutons sur le dernier endroit possible, le volant et là… Mais là, bordel ! De quelle idée stupide les ingénieurs ont accouché ? (Born, accouché, pas facile celle-ci). TOUS les boutons présents sur le volant de mon Tarraco sont devenus tactiles à retour haptique ! Y compris le mouvement des molettes ! Allez donc jouer au mime-molette ! C’est une corvée ! Augmenter le son engendre des ratés : on n’entend rien ou on est sourd ! L’activation des aides que sont le régulateur adaptatif et le maintien dans la voie y ont droit également.
On achève le truc par deux boutons pour quatre vitres électriques. Un troisième, tactile aussi, permet de switcher devant et derrière. Dans l’idée, on s’en fout, car en 2022, quel conducteur ouvre les vitres arrières ? Au mieux les passagers se débrouillent et les enfants ont la clim recyclée. Mais ça sonnait comme le truc de trop : détourner les yeux de la route pour toucher le Born bon endroit nécessaire à intervertir les vitres à ouvrir. On dépasse les bornes et ça casse un peu les burnes. Voici une galerie photo de tout ce qui est tactile.
Evidemment, qui dit électrique dit « futur » et donc « écrans ». Il y en a 2 dans la Born. Le premier, petit sert de compteur, l’autre permet à peu près tout. TOUT ? Non ! A la différence de Tesla, il est impossible de steamer un film dessus pendant la recharge. Dommage.
Sur la route : le plumage à défaut du ramage
Pied au plancher, la Cupra Born ne vous envoie pas en enfer. Au mieux dans un sauna en panne. L’électrique a ça de bien qu’un coup de pédale vous expédie loin, vite et bien. Les 204 ch sont suffisants et aucun dépassement ne pose de problème, même chargé, tant qu’on n’est pas à 130. La voiture vous aime et aime vos points de permis (même si 17 ans c’est jeune, quoi qu’en dise les réalisateurs d’Hollywood).
Électricité oblige et malgré un centre de gravité bas, j’avoue que la Cupra Born n’est pas plus agile que moi. Le roulis est omni présent en virage, conduite avec le frein régénératif non réglable fait danser puis donne la nausée à vos passagers (dommage) et malgré une certaine agilité, la Born peine à tenir une conduite un peu rythmée.
Ce n’est pas gênant, j’aime la conduite coulée puis ça préserve l’autonomie. Mais un peu de tonus ne ferait pas de mal. Surtout pour les passagers à l’arrière qui enquilles les bornes difficilement.
Pour le piment, on repassera. Du paprika tout au plus.
Pour redonner un minimum de caractère au comportement, il faut passer par la case options en ajoutant les suspensions pilotées. On trouve ce système sur le Formentor, le Tarraco, la Leon. C’est un peu l’atout de Seat (et donc Cupra) face à la concurrence. Un atout à 850 € qu’il faudrait intégrer de série sur la Born. Mais vraiment !
Autre point, étrange et pas top : l’insonorisation. Alors qu’un Formentor ne laisse rien passer même à 130 km/h en électrique, la Born est bruyante au possible. Cela est lié à deux choses : primo, dans une voiture électrique, tous les bruits ressortent plus car ils ne sont pas couverts par le bruit du moteur. Secundo, l’insonorisation n’est pas folle, comme le prouve cette vidéo.
Autonomie : la Born peut lâcher un peu (la) prise
Coup de chance, je n’ai pas de borne chez moi. Je trouve ça cool de tester ces bagnoles dans les conditions similaires à celle de la majorité des futurs clients potentiels des bagnoles électriques. Ceux qui vivent en appartement, en copropriété, qui au mieux on une place de parking dehors, sous un platane hébergeant une smala d’oiseaux à l’estomac fragile.
La conso ? 22,3 kWh. C’est bien, c’est même très bien. Combien j’ai consommé ? Pas tant que ça, avec 278 km pour une recharge pleine, en plein hiver. Une moyenne de 22,3 kWh, c’est même très bien, car je ne l’ai pas ménagé la petite Born. Autant que la Ioniq 5 pour une batterie de 58 kWh, soit 15 de moins que la Hyundai.
Même en allant taper dedans, la batterie n’en démord pas. J’avoue que l’absence d’affichage de conso instantanée ou même moyenne est un vrai plus. J’avais vite trouvé ça très anxiogène sur les autres caisses à obédience électrique (PHEV et EV) et à l’opposé de l’idée coolitude que sont censées évoquer les bagnoles électriques.
Bref, l’avantage de cette histoire, c’est qu’en jouant un peu avec les bornes à côté de chez soi (pas la rapide à 0,55 € le kWh hein, là c’est l’entubage) mais aux centres commerciaux ou au pire chez un voisin qui vous la loue pour quelques balles la nuit, vous assurez une semaine moyenne d’un usage citadin.
Le froid fume la batterie, celle de la Born aussi
Heureux hasard, me voilà à dégivrer la Born ayant passé la nuit dehors. Glace sur toutes les fenêtres, je mets tous les systèmes au max et voici le résultat sur l’autonomie :
Suite à cette vidéo, on m’a parlé de la préchauffe de la batterie, faisable depuis l’application, que je n’avais pas. Préchauffe qui est intéressante si tu es branché(e) sur une Born borne ! (pssst, pro tips : ne branchez pas votre caisse EV sur la batterie 12V d’une thermique garée à côté, ça ne fonctionne pas et les gens ne seront pas contents).
La Born n’a pas grand chose à se reprocher niveau efficience, en tout cas pour le prix demandé (qui est encore vachement cher hein, mais acceptable. Enfin, sans trop d’options quand-même).
Le froid n’était pas l’ami des systèmes thermiques, il est encore pire avec les systèmes électriques.
Mais rassurez-vous, le dégivrage est rapide et l’autonomie n’est pas trop pénalisée.
D’ailleurs, je ne peux que conseiller l’option Pompe à Chaleur, déjà parce que c’est super sympa à prononcer, mais surtout parce que ce seront les 1 000 € les mieux investis : pour le bien être que cela génère dans l’habitacle, une chaleur douce et progressive. Puis parce que ça réduit la consommation électrique.
La recharge : mission Jason Born
Sur twitter, on m’a également suggéré une borne rapide. Pas loin de chez moi. Elle est bien là, c’est vrai, même si je croise 2 stations-service en m’y rendant. Première fois : une voiture chargeait, une autre attendait. Seconde fois, le soir : 3 voitures. J’ai abandonné. Puis 0,55€ le kWh, ma CB n’est pas venue ici pour souffrir. OK ? Quoi ? Combien ? Attendez je vous dis ça en speed : 58 kWh avec une déperdition calorifique de 20 % ça fait 69,6 kWh à 0,55 = 38,28 € les 300 km. L’équivalent d’un plein d’essence… en 2022. Imaginez que le prix de l’électricité augmente de 30 % en 2025. Non je rigole. Enfin imaginez quand même.
Si la Ioniq avait un transfo 11 kW (qui convertit le courant alternatif en continu), la Born peut, à l’instar d’une Zoé, taper le 22 kW. Je persiste : une borne à domicile doit tout de même charger rapidement. En cas d’urgence, par exemple. Du 22 kW, on en trouve dans certains centres commerciaux, notamment celui où askip y a du soleil (petit tips cadeau, c’est pour nous).
Côté temps de charge, la Born peut se prendre 125 kW sans broncher, offrant ainsi 300 km environ pour 35 minutes d’attente. Sur une borne 22 kW on passe à environ 3 heures. Sur une borne 7 kW, la puissance la plus commune en lieu public, la Born mettra environ 10 heures. La fourchette 35 minutes – 10 heures est finalement très caractéristique de la situation actuelle. Le système fonctionnerait parfaitement avec les infrastructures adaptées. infrastructures qui arrivent de plus en plus rapidement.
Cachez-moi cette prise que je ne saurais voir
Si Hyundai a fait de la Ioniq 5 un symbole de la caisse électrique, chez Volkswagen c’est l’inverse. Cupra ne déroge pas à la règle du grand chef et nous voilà avec une voiture « tout ce qu’il y a de plus normal ma p’tite dame ». L’électricité ? Ah oui, là. Vous branchez, vous attendez, vous profitez. C’est facile comme charger un iPhone. Vous n’avez pas d’iPhone ? C’est fâcheux.
A l’intérieur, le compteur indique le kilométrage restant, en petit, comme la batterie. D’ailleurs l’interface entière est inspirée des smartphones, jusque dans les icônes. C’est épuré et simple. Le graphisme est malin, pour préserver les yeux la nuit.
La Born est une bonne bagnole avant d’être électrique. Un comble vu son nom. Elle réussie à faire ce qu’on lui demande et visera les personnes urbaines, celles qui font leurs courses chez Lidl, laissent traverser les petites dames (et heureusement, la voiture étant très silencieuse).
La place à bord est bien, la position de conduite agréable, deux sièges auto peuvent se loger derrière sans comprimer ceux de devant, le coffre permet de partir en vacances (mais pas trop loin haha, humour ça va, oh), l’insonorisation pas folle mais suffisante.
Conclusion : Cupra Born To Do It Better
On sent qu’elle veut faire bien cette Born. Elle a enfilé des bijoux qui lui filent une allergie, des bijoux tactiles, trop tactiles, mais en dehors de ça, elle a du charme et essaie de vraiment faire ce qu’elle peut. Mais au fond d’elle, à l’image de la jeune fille décrite dans la chanson, elle se sent triste. Une tristesse que l’on ressent aussi. On sait que Cupra aimerait faire plus, tellement plus. Mais l’industrie, la situation économique, le groupe, le futur, le funeste destin des Starks dans GOT et cette guerre qui touche le village du patron et qui n’a pas de rapport avec cet essai.
Alors on prend notre mal en patience et on économise les deniers là où on les trouve. On espère des jours meilleurs et voir paraître une Born dont les muscles ne seraient pas simplement dessinés sur la carrosserie.