À la première présentation du Jogger, les journalistes, bloggeurs et stars de TV réalité se sont esclaffés en cœur d’un « mais pourquoi vous n’avez pas fait un Jogger Hybrid ». Dacia pensait bêtement qu’offrir une bagnole 7 places, capable de faire 1 300 km avec un plein, pour 15k€ clé en main était déjà remarquable. Visiblement non, les gens en veulent toujours plus, alors qu’ils peuvent en dépenser toujours moins. Il s’est écoulé 18 mois à peine depuis ce premier essai du Jogger sur Hoonited. Voici déjà cette version tant réclamée qui récupère la solution hybride E-Tech de la Clio. Et tant qu’à faire, on va la comparer à Suzuki Swace, parce qu’on est comme ça ici et qu’elles jouent dans la même cour tarifaire.
Visiblement, le marché automobile considère qu’on ne peut pas avoir 4 gamins si on n’est pas capable de lâcher 60 patates dans une voiture. Comme si les gosses avaient besoin d’une belle auto pour être heureux, quand une PS5, GTA 5 et l’intégral de la saison 5 de Pat Patrouille suffisent. Comme si faire des gosses était dépassé. Comme si nous étions obligés d’avoir NOS propres enfants dans NOTRE voiture alors qu’on peut se faire refourguer ceux des autres. Puis visiblement, seule Dacia a pensé au confort et à l’espace des personnes kidnappées.
Pour autant, est-ce suffisant pour que le Jogger Hybrid puisse vaincre la Swace au titre de la voiture la plus ennuyeuse rationnelle du marché en 2023 ? Rien n’est moins sûr.
Un Dacia Jogger Hybrid milieu de gamme pour les gens du middle comme on dit
Notre modèle n’est pas le haut de gamme Extrem, mais le milieu de gamme nommé dans la plus simple expression « Expression ». Il se pare de 3 options : la peinture orange mécanique appelée « Brun Terracotta », la caméra de recul et le tablette multimédia compatible Carplay et Android Auto.
D’autres options sont disponibles, comme une dashcam intégrée (320 euros et ça c’est à prendre), des déflecteurs d’air (80 balles mais je kiffe), un bequet de toit pour le style (175 euros) ou encore la tente de hayon 3 personnes pour 399 euros à peine ! Le top : le pack « sleep » à 1 490 euros pour transformer votre Jogger en Sleeper, au sens littérale du terme.
Notre modèle essayé coûte 27 250 euros.
Donc pas de clim auto dans notre version, ni de sièges chauffants. Avec ces quelques options de confort proposée sur la finition Extrem, il faudra lâcher 28 550 euros.
Allez, shooting rapide pour se mettre dans le bain.
Comme d’habitude, j’ai fait des petites vidéos publiées sur Twitter et réunies dans un thread ici :
On est bien dedans, même à 7 ce n’est pas trop serré (TITRE)
Non, il ne s’agit pas du film préféré de @maitremanda mais de la configuration 7 places du Jogger qui nous a été confiée (merci Renault-Dacia, vous êtes cool, pas comme d’autres, oui je balance keskia ?). À bord, nous retrouvons deux places à l’avant, trois vrais sièges au second rang et deux autres vrais sièges au troisième rang, dont le plancher est un peu bas, mais suffisant pour les personnes de petites tailles (1m70 max ça passe, après les genoux buttent), les enfants et les chiens (non pas pléonasme). Notez que seuls deux sièges au second rang bénéficient de l’Isofix (et celui de la place du mort à droite du conducteur évidemment).
Comme il est dit dans l’autre essai, le toit a été relevé tout comme la banquette arrière et le plancher de la troisième rangée. On ne va pas se mentir, vous logerez aux places du fond les gens que vous aimez le moins ou que vous détestez le plus. Le Jogger est la première voiture qui permet de faire le tri dans ses amis à l’intérieur d’un habitacle.
Mais le second rang bénéficie d’un énorme espace vitré. Ceinture de caisse basse et les assises placées en hauteur permettent aux enfants de voir le paysage. À tel point que deux gamins qui voyageaient à l’arrière d’un CHR ont souhaité monter dans le Jogger qu’ils ont quitté après quelques minutes, les larmes aux yeux en criant « ce ne sont pas nos parents dans cette voiture sans lumière ». La vie sur autoroute est pleine de surprises. Bref, cela a confirmé l’adage que je me tue à rappeler : si vous aimez vos enfants (ou ceux qui ne sont pas les vôtres), achetez une voiture moche. Et à ce propos d’ailleurs, les avis divergent (oui dix).
Car le Jogger n’est pas moche. Il est long large et haut, il est roux, il est carré même dirait Mariah, mais pas moche. D’ailleurs, je suis toujours aussi fan du orange mécanique Brun Terracotta (nom de teinte non retenu par le service com). Même le vert qui habillait la Sandero Compétition essayée par @Novichok lui sied à ravir. Il y a un pragmatisme sexy dans le dessin, du Bauhauss dans le trait, de l’économie dans l’émotion.
Ce n’est plus un coffre, c’est un wagon !
Alors, attention, prenons des pincettes, on ne sait jamais avec vous les internautes. Lorsque le troisième rang est redressé, forcément le coffre est limité. Tout en gardant à l’esprit que cet énorme espace carré reste facile à charger et peut accueillir deux belles valises.
En revanche, une fois ces deux sièges rabattus ou mieux, retiré via une petite gâchettes (simple et efficace), c’est un container que vous avez à disposition. Le volume est lunaire. On ne parle plus d’embarquer des humains, ce sont carrément des bovins qui peuvent prendre place à l’arrière. Pour l’anecdote, un Saint-Bernard qui se promenait avec ses maîtres a eu l’idée de rentrer à l’arrière du Jogger dont le coffre était ouvert. Il s’est perdu, il a fallu lancer des recherches pendant une demi-heure pour le retrouver.
Si vous relevez en plus les sièges du second rang, vous pouvez faire un foot en 3 vs 3 dedans.
Le Jogger n’est ainsi pas seulement l’ami des familles nombreuses, non. Il est aussi le compagnon idéal des sorties à Ikea et des déménagements.
Un Dacia Jogger Hybrid oui, mais avec du confort
Les portes s’ouvrent avec un angle large. Les assises se rabattent et basculent avec des commandes rouges faciles à manipuler et à identifier sur le gris sombre de la moquette et des sièges. La modularité est réussie. Tout ça dans une longueur de SUV 7 places mais 2,5 fois plus cher.
À l’intérieur, le pavillon très haut permet de respirer. Et si le Jogger était le nouvel Espace ?
Les assises ne sont pas désagréables. Les mousses se paient même le luxe d’offrir un meilleur maintien que celles qui recouvrent les sièges de la Swace. En revanche, ce tissu à motif flingue les yeux des presbytes (ce sont des personnes qui distinguent péniblement les pixels sur un écran). C’est plastique, mais plastique propre, facile à nettoyer.
Les options manquent un peu à l’appel
Les options sont forcément limitées dans le Jogger Hybrid et autant certaines sont inattendues, autant d’autres manquent à l’appel.
La clé ne se plie pas sur elle même, la plage arrière enroulante n’est pas ajourée et rend la prise en mains pénible.
La climatisation est manuelle et oblige à avoir froid, puis avoir chaud, puis avoir froid et ainsi de suite. L’absence de tunnel de circulation d’air rend le partage de la climatisation comme du chauffage difficile aux passagers du dernier rang.
L’accoudoir est plus gênant qu’autre chose : trop court, trop mal placé, trop étroit, il n’a pour lui que l’espace de rangement en-dessous.
Il n’y a pas de mode « Hold » (la voiture sert le frein de parking à l’arrêt complet et le désactive lorsqu’on appuie sur l’accélérateur) alors qu’il y a un frein de parking. Mais pourquoi ?
En revanche, on trouve un compteur numérique en couleur et agréable à regarder, même si les aiguilles sont plus sexy. Les feux comme les essuie-glaces automatiques sont bienvenus et fonctionnels. Les 4 vitres sont électriques mais seule la vitre conducteur a une ouverture par impulsion.
La plage arrière se retire pour laisser les passagers du dernier rang respirer, mais rien n’est fait pour la ranger après et elle est plus large que l’espace disponible.
Un moteur frugal à la grosse voix mais qui chante mal
Si la Swace nous a agréablement surpris, avec son bloc hybride Toyota de 140 ch et malgré le train épicycloïdal, je dois avouer que je m’attendais à ce que le Jogger et la techno E-Tech récupérée de la Clio fasse mieux. Tant sur le plan sonore que sur le plan agrément. Et bien non, ni sur l’un ni sur l’autre !
La boîte à crabot à 4 vitesses lutte forcément pour caler le bon rapport, le petit moteur électrique servant d’embrayage n’y pouvant rien. Elle hésite sans cesse entre descendre un rapport ou en monter un dans les vitesses critiques (70 km/h, 90 km/h, 110 km/h, 130 km/h, 284 km/h).
En revanche, les passages thermique-électrique se font sans à coup, mais bruyamment. Le manque de puissance se fait un peu sentir dans les accélération franches, mais beaucoup moins que sur la version 110 ch. Même chargé avec 7 personnes à bord, il est désormais possible de dépasser.
Notez que l’insonorisation n’est pas si mal, mais que la puissance de l’auto radio est beaucoup trop faible. Dans tous les cas, les bruits d’air une fois passé 110 km/h couvriront tous les sons dans l’habitacle. Il s’agit de la fonction « je ne vous entends pas et ça m’arrange » du pack Parents À Bout.
En revanche, le couple ne fait pas défaut, même chargé. Le moteur hurle mais ne manque pas de force pour tracter l’engin, dont le poids est inférieur à presque toutes les berlines compactes 5 places du marché.
Côté conso, en faisant n’importe quoi, le périple a terminé à 6,1 l/100 km. Vous avez moyen de descendre à 5,6 l/100 km facilement. C’est très fort ! D’autant que la ville, fortement plébiscitée par les arrêts fréquents (courses, enfants à déposer et récupérer éventuellement, trajet du bureau) est le terrain de jeu favori de ce système E-tech.
Un bon polygone de sustentation
Il tient bien le pavé ce Jogger Hybrid. M Braun, prof de méca de terminale dirait que c’est grâce au polygone de sustentation. La figure formée par les 4 roues : sa surface est importante et assure une bonne emprise au sol, les 3 mètres d’empattement y contribuent donc fortement. Ce que M Braun ne dirait pas, c’est que les suspensions de cette version hybridée sont plus fermes que la version GPL. La tenue de route est donc saine et le roulis contenu, même sur des freinages appuyés.
La direction est suffisamment précise pour enquiller les virages en toute quiétude et sans vomitude. Les pneus sont très bien calibrés, avec ce qu’il faut de gomme pour filtrer un peu plus les aspérités de la route.
Le rayon de braquage de 11,74 m vous oblige à rester éloigner de la banque pour faire votre demi-tour.
Enfin, le freinage est très correct, même chargé et là encore, les suspensions évitent de piquer vers l’avant. On est à deux doigts d’une Honda Civic Type R. Non je déconne, ça reste un bateau.
Si vous avez 4 gamins, achetez-le ça ira bien
J’ai énormément pensé à mon cousin Michael (le vrai nom est Mickael, mais pour des raisons de confidentialité, il a été changé subtilement, afin de brouiller les pistes) pendant l’essai. Je l’ai même appelé en décrochant avec un « Cousin je suis dans le Jogger Hybrid et c’est ce qu’il te faut » puis j’ai raccroché. Il était 14h17 je crois. Ou 18. Je m’en souviens parce que le soleil tentait de m’aveugler. C’est fou d’ailleurs la puissance du soleil.
Donc mon cousin s’était fait chourer sa Prius + par, et la police est formelle sur ce point, des gros FDP. Suite à ça, il n’a pas reçu assez par l’assurance pour se payer la même voiture. Il a donc dû se rabattre sur un C4 Sport Tourer et son Puretech qui a forcément déconné.
Et il galère parce que le système automobile actuel ne propose plus rien d’abordable à six ou sept places, au nom de la sacro sainte écologie. Donc ce Jogger Hybrid n’est pas juste une bagnole. C’est le salut des familles nombreuses à la recherche d’un engin personnel pour se déplacer. Il est essentiel alors que les 25 bagnoles électriques pas foutues de faire 200 km en hiver et n’offrant pas de place à l’intérieur abondent et pourrissent dans les stocks. Parce que dans le monde réel, ceux qui achètent des caisses neuves sont les parents et les personnes âgées. Et vu la tournure que prend le marché, ce ne sera bientôt plus qu’une poignée de gens fortunés. Les autres préférant manger à leur faim et ne pas crever de froid en hiver à la suite de l’envolée du prix de l’électricité.
Le mot de la fin
Je termine par deux choses : d’abord, la Swace bien mieux équipée, confortable et agréable et plus dynamique est à privilégier si les 2,5 places à l’arrière vous suffisent. Ensuite, ce Jogger est vraiment une réussite, tant sur la conduite que sur l’efficacité. Non seulement il tient ses promesses mais il en donne plus. Ce qui est unique dans le marché automobile en 2023. Ne vous attendez pas au luxe non plus. Les places du fond sont pour les mal aimés, la clim doit être boostée pour arriver jusqu’à eux et ils manquent de surface vitrée (mais pas d’espace aux jambes), le moteur gueule fort, la boite est étagée comme une étagère Leroy Merlin peut l’être par un aveugle, mais remis en perspective, par rapport à ce qu’il offre, c’est une chouette bagnole et vous l’aimerez.
Pas comme une Alfa V6, pas comme une Tesla, pas comme un ravisseur, mais comme un objet pragmatique robuste, fiable, qui en plus consomme peu.