Après des malheureuses expériences en Mazda MX-5, cette Datsun Fairlady 2000 de 1969 donne envie de rouler décapoté pour profiter de l’été ! Mais pas trop chaud l’été. On va dire du printemps finalement. Voici un essai à son volant durant 5 jours et 500 km !
Le contexte de l’essai avec déjà des remerciements
Le parc presse Nissan propose des véhicules historiques. Rien que cette phrase mérite de détailler le propos. On reprend les bases. Les constructeurs disposent de voitures à faire tester par des journalistes. Dans un but précis : vendre leurs bagnoles. C’est assez simple comme concept. Alors quand une entreprise automobile met à disposition des anciennes qui ne sont plus disponibles à leur catalogue, on se pose la question du pourquoi ? Le respect des traditions ? L’image de marque ? La valorisation de son passé ? La gloire ? Peut-être un peu de tout ça. Quelles qu’en soient les réponses, je voudrais commencer ce papier par remercier l’équipe Nissan et son prestataire Rotalys.
Je trouve ça génial d’avoir un musée vivant et roulant en 2023. C’est une chance incroyable. Mazda le propose aussi avec deux MX-5 (NA et 30ème anniversaire) mais Nissan double la mise avec une Fairladay 2000, une 240Z, un Patrol, une 300 ZX et une 350Z.
Afin de me rendre au Jap’n’Car Festival à l’autodrome de Linas-Montlhéry, il suffisait de piocher dans cette caverne aux trésors pour profiter d’une perle (très) rare : la Datsun Fairlady 2000.
Un peu d’histoire nippone (et loin d’être mauvaise)
« Le mec nous parle de Nissan puis de Datsun, c’est quoi cette histoire ? ». La marque Datsun a été créée en 1913 au Japon puis rachetée 20 ans plus tard par Nissan. Jusqu’ici, tout va bien. Le problème arrive avec les nomenclatures différentes selon les continents. En effet, les modèles peuvent prendre le nom de Nissan au Japon et de Datsun en Europe ou aux Etats-Unis. Pour la nôtre, c’est une évolution de patronyme avec des versions aux multiples motorisations.
Cela commence par la Datsun Sports (1000) de 1959 avec un petit moteur 1 l de 37 ch puis des chiffres qui s’adaptent aux cylindrées comme la Sports 1200 (1,2 l) en passant par la 1600 (1,6 l) et en finissant par notre version à l’essai. Qui ne s’appelle plus Sports mais Fairlady. Qu’on peut traduire par « dame juste » et qui fait référence à la comédie musicale de 1964 « My Fair Lady ». En effet, pour intégrer le marché américain, c’est toujours préférable d’afficher un nom percutant pour son public.
La Datsun Fairlady 2000
Si la Datsun Fairlady 2000 débute sa production en 1967, la mienne date probablement de 1969. Probablement car son année de production reste encore aujourd’hui un mystère pour Nissan qui galère avec son immatriculation. Les numéros sur le moteur et le châssis sont partiellement effacés. Vous avez sûrement remarqué les plaques en W qui démontrent que celles-ci doivent s’associer à une lettre de mission du Président de Nissan Europe pour circuler légalement. Ce qui était mon cas, je vous rassure. Alors pourquoi 1969 ? Parce que Alexandre, co-fondateur avec Angélique, du club « DNA Meet », m’indique que ce grand pare-brise date de 1968 et les répétiteurs de clignotants à l’arrière de 1969. Ceux-ci servaient de base pour des feux de gabarit afin de respecter les normes du marché états-uniens. J’ai envie de le croire sur parole puisqu’ils possèdent trois Fairlady mais aucune avec les carburateurs Mikuni. On y reviendra à ceux-là.
De nouveau un roadster ?
Ceux qui ont lu les essais des Mazda MX-5 NA et RF savent que j’ai eu une expérience malheureuse avec ces roadsters. Pour ne pas dire une expérience traumatisante. Pour mes oreilles. J’ai toujours rêvé de rouler tranquillement en roadster ou en découvrable. Avec les images de cinéma de la Dolce Vita ou de la route 66. Pour autant, la vie ne ressemble pas toujours à une toile et c’est bien la tuile quand les bruits d’air gâchent tout le plaisir de conduire dès 70 km/h. Les (vilains) propriétaires de MX-5 diront que je suis trop fragile sensible de ces orifices. Toutefois, ils pourront raconter ce qu’ils veulent car j’ai réellement détesté ces trajets quotidiens sur la Francilienne avec ces roadsters. Pas beaucoup moins avec cette Fairlady 2000 mais elle, ce n’est pas pareil, c’est différent.
La puissance du charme de la Datsun Fairlady 2000
Mon (vieux) copain Philippe qui roule en Lotus et en MX-5 (le mec cumule les moches) m’avait conseillé la Fairlady suite à son essai à l’été 2021. J’étais réticent, particulièrement pour mon confort auditif. Cependant, le charme d’une Anglaise ancienne m’a convaincu de retenter et donc de laisser une nouvelle chance à cette catégorie. Spoiler (qu’elle n’a pas) : j’ai bien fait !
Cette Datsun Fairlady 2000 ressemble drôlement à une MGB mais en plus belle. Vous avez le droit d’exprimer votre désaccord puisqu’il s’agit une partie totalement subjective. On notera un superbe travail de restauration par les équipes de Rotalys qui conserve cette beauté depuis une dizaine d’années.
Elle a eu le droit à un coffre refait à neuf car rongé par la rouille ainsi qu’une peinture rutilante. Qui participe beaucoup à son charge avec les chromes sur toutes les extrémités ainsi que dans la longueur. En parlant de taille, avec 3,91 m de long, elle est loin d’être petite. Sans aller jusqu’à une Cadillac Eldorado, cette Fairlady surprend pour en faire le tour. Par contre, elle n’en mène pas large avec son mètre 50. À noter que je ne suis pas fan de ces jantes de 14 pouces du style Minilite / Compomotive ML / Panasport qui remplacent celles en tôle d’origine. Je crois surtout que les badges « Datsun » et « Fairlady 2000 » font toute la différence. Ils apportent une originalité et une rareté appréciables
On l’essaye cette Datsun Fairlady 2000 ?
C’est génial à rouler. Voilà.
Non, je déconne, je vais vous raconter comment j’ai pris en main (difficilement) une voiture japonaise de 1969. Déjà, il faut les bases mécaniques en connaissant le terme « carburateur ». Donc ça commençait mal car ce n’était pas mon cas. Après 5 jours, je peux vous dire que je suis devenu un expert sur le sujet. Oui, j’apprends vite, surtout quand je dois sortir un triangle de présignalisation.
Sortant doucement du parc presse, je m’enjaillais au volant de la Fairlady 2000 jusqu’au premier feu rouge. Je cale. Rien de grave normalement. Je mets un tour de démarreur Neiman et ça broute. J’appuie avec parcimonie sur l’accélérateur de peur de noyer le moteur. Je répète bêtement dans ma tête cette formulation sans connaître sa véracité. Echec total donc je décide d’appeler Rotalys, le prestataire. Solution immédiate communiquée par téléphone : tour de clé et pied à fond sur la pédale de droite ! Après 5 (longues) secondes, la bagnole redémarre. Victoire ! Contrairement à une injection électronique, il faut alimenter le moteur en essence. Pour cela, il doit boire comme un Ukrainien apprenant l’attaque de son pays par un Etat totalitaire et belligérant. Plutôt inquiétante au début et finalement assez banale par la suite, cette technique.
Le démarrage et le ralenti
À chaque démarrage, plusieurs secondes ont été nécessaires pour activer le moteur. D’un tempérament impatient, je me disais que c’était le jeu d’une ancienne et je ne râlais pas. Ce qui est rare chez moi quand quelque chose ne fonctionne pas. Mais justement, la Fairlady a toujours démarré. Bon, un matin à 11°C, garé en pente avec le nez en l’air ; j’ai dû me remettre à plat pour y arriver. J’ai tenté d’utiliser le starter mais le positionnement du bouton n’était pas si clair que ça avec des informations contradictoires. Ça a été simple : je n’ai touché à aucun bouton (ou presque) durant mon essai. Et pourtant, ils étaient nombreux.
Autre complication et celle-ci plus handicapante, le ralenti mal ou déréglé (avec les nombreuses vibrations ?) qui occasionnait des calages réguliers. Quand je dis réguliers, c’était en permanence si on n’accélérait pas. Genre dans un rond-point ou dans une descente. À moins de 800 tours/min, le moteur se coupait immédiatement. Chiant. Donc je me suis improvisé Senna avec sa Honda NSX pour réaliser des talons-pointes à chaque cédez-le-passage, stop et autre feu tricolore. Ça tombait bien, j’ai la cheville ultra souple (c’est faux). Le mécano va corriger ce problème et tout devrait aller sur des roulettes pour les prochains utilisateurs. Ce qui impactera favorablement les consommations.
La consommation d’une Datsun Fairlady 2000
Sans ordinateur de bord, j’ai été obligé de sortir la calculette après les deux pleins réalisés. Une histoire de produit en croix plus tard et on obtient 14 l/100 km.
Un chiffre énorme en comparaison avec ceux d’aujourd’hui mais à resituer dans un contexte où j’accélérais à fond le plus souvent et avec des à-coups à chaque arrêt. Au point même de lever le frein à main pour continuer d’appuyer finement sur la pédale d’accélérateur. Je vous ai parlé des tours par minute au minimum et c’est le moment d’évoquer les tours au maximum.
La puissance du moteur de la Datsun Fairlady 2000
Nous avons donc un moteur 4 cylindres de 2 litres avec une particularité particulière de posséder deux carburateurs Mukuni. Normalement, la puissance d’une Fairlady 2000 se situe à 135 ch. Ce qui est déjà bien pour 910 kg. Celle-ci passe à 150 ch !
Ce qui est super pour l’agrément. On a de la puissance dès 2 000 tours que l’on atteint quasi immédiatement et ça peut pousser jusqu’à 7 000 tours. Si la Fairlady 2000 n’est pas une pure pistarde, son moteur joue le jeu de la sportivité. Elle est annoncée à 9,7 secondes pour le 0 à 100 km/h mais on a l’impression de les atteindre bien avant, surtout avec le son rageur du moteur.
La blague du compteur de vitesse
J’ai toujours eu l’impression de rouler dans une sportive au vu des vitesses au compteur. Je me disais que ce n’était pas possible d’être régulièrement au-dessus de la norme. Rien ne vaut un bon GPS pour comparer la vitesse réelle. Heureusement pour mon permis, j’avais vu juste.
Entre 50 et 100 km/h, on a une marge d’erreur de 15 à 20 km/h. Après 110 km/h, on passe à une erreur allant jusqu’à 30 km/h. De ce fait, je roulais sur autoroute à 160 compteur ! Evidemment, la sensation de rapidité est décuplée par la position proche du sol et par l’air environnant. Cette défaillance doit probablement venir des pneus en taille basse.
Un roadster plaisant pour les cheveux au vent ?
Ma crainte de rouler en roadster s’est amenuisée rapidement. Je ne m’explique toujours pas les raisons. Je pense que le grand pare-brise a permis d’éviter les trop nombreux bruits d’air. Ou que le moteur les couvrait suffisamment. Comme il couvrait largement le tic-tac insupportable de l’horloge (jamais à l’heure) qui aurait mérité un partenariat avec Seiko.
Les vitres latérales contribuent aussi de profiter du soleil dans un cocon du genre caisse de résonnance. Mais vivable. L’excellente surprise aura été la balade dominicale avec Miss Novichok pour rendre visite à ses parents dans le sud-Essonne. La traversée des champs sur des routes départementales à 80 ou 90 km/h donnait tout le loisir de discuter en roulant, sans forcément élever la voix. Bluffant. Même avec les vitres baissées. Pour autant, après plusieurs jours à rouler décapoté, mes oreilles ont eu leur compte, sans être douloureuses.
La capote (merdique)
Ce qui m’a le plus agacé dans cet essai : la capote merdique. Celle-ci a déjà été remplacée et on se doute bien qu’on ne peut pas lui demander d’être aussi facile à déplier/replier que celle d’une Miata de 1990.
Forcément, après plusieurs répétitions et un coup de mains, on arrive plus rapidement à s’y faire, surtout grâce à la bonne technique de pliage. Un peu comme une tente Décathlon. Pour autant, il suffit d’être délicat. Et de forcer un peu. Mais juste un peu. Enfin, je crois.
Il manquait la couverture pour recouvrir la capote dont notamment les satanés crochets métalliques. Ceux-ci m’ont cassé les oreilles à faire « cling-cling » tout le temps. Dès lors, j’ai sévi en les enturbannant. Je vous présente Wilson.
Une fois remise, la capote couvre bien des bruits d’air mais augmente le son du moteur dans l’habitacle. À cela s’ajoute le tremblement d’une partie de celle-ci si les attaches ne sont pas correctement fixées. Au final, j’ai préféré rouler 95 % du temps les cheveux au vent. Avec surtout une casquette car on crame vite. D’ailleurs, c’est bien une des limites de cette bagnole : trop chaud, on souffre. Trop mouillé, on pleure, j’imagine. Trop froid, je ne sais pas. Mais je pense qu’il faut sortir couvert. Quant au chauffage ou à la clim (c’est bon, je rigole), je ne sais pas non plus car les boutons « hot » et « cold » m’ont fait peur donc je ne les ai pas touchés. Je vous jure, Monsieur le juge, je n’ai pas touché.
Le quotidien possible en Datsun Fairlady 2000 ? Non, pas vraiment
Cette voiture donne envie d’être seul sur terre. Sans les contraintes de la circulation et des autres automobilistes. Car avec des ceintures ventrales (comme dans un avion) et une note Euro NCAP à -12, on sait immédiatement qu’il ne faut pas se planter en Fairlady.
Au début, je pensais que je n’avais pas de frein. Puis j’ai compris qu’il fallait y aller à fond, comme pour démarrer. Heureusement, je n’ai jamais bloqué les roues car ce ne sont ni l’ABS ni l’ESP qui seraient intervenus.
Dans les bouchons, on perd beaucoup du charme de ce moteur, surtout avec des accélérations réduites et minimalistes. De plus, on s’emmerde sans radio ni Spotify. J’ai tenté de capter la bande FM mais après un léger grésillement, ce fut le black-out jusqu’à la fin.
Concernant le volume du coffre, au doigt mouillé, je dirais un bon 200 litres. C’est pas mal sauf que la roue de secours prends 30 % de celui-ci. Au besoin, on peut aisément placer deux gros sacs de sport sur la banquette arrière.
Le confort des années 60/70 (pour ne pas dire l’inconfort)
Concernant le stationnement, la caméra 360 dépend des capacités de torsion de votre buste. Excellente visibilité avec la capote rabaissée mais bien moins aisée quand elle est relevée. Pareil pour le rétro central. Quant à celui de gauche, il se manipule difficilement.
Pour Google Maps, il faut absolument un support de smarpthone sur le pare-brise car aucune place dans l’habitacle. Sauf à le poser sur le cendrier, à côté du frein à main. Le téléphone ne bouge pas trop mais en terme de sécurité pour les yeux sur la route, on a connu mieux. Idem pour les sièges qui s’adaptent plus aux tailles japonaises moyennes entre 1m65 et 1m75. Après, à 1m85, comme pour moi, on a les épaules dans le vide donc on a connu plus confortable.
Ce qui n’est rien en comparaison avec l’assise où on a mal aux fesses vu le manque d’épaisseur des mousses du siège. Surtout avec des suspensions ultra raides. Si le bitume n’est pas parfaitement lisse, on développe le gainage de sa sangle abdominale avec des forts rebonds du fait d’une guimbarde dure comme du bois et des amortisseurs en grève générale.
La conduite sportive
J’ai eu la chance d’avoir un super temps avec des routes biens sèches pour flâner notamment en Vallée de Chevreuse et aussi profiter de routes dégagées, sans riverain pour pousser le moteur bien haut dans les tours. Quelle régalade. Particulièrement sur les grandes lignes droites. La boîte oblige à engager ses mouvements jusqu’au bout. Peu de demi-mesure avec cette voiture. Justement, la direction manque clairement de précision et on doit jouer du volant pour se placer correctement. Moins on va vite, plus c’est compliqué de la manœuvrer. La direction assistée n’étant évidemment pas présente.
Peut-on vraiment parler d’une sportive ? Bien plus qu’une MX-5 NA qui est une GT. Mais moins qu’une 340R qui est une pistarde. Oui, j’aime les comparaisons inadéquates. Toutefois, à chaque accélération, on a le mot « sport » en tête. Principalement par le son du moteur, par sa tenue de route remarquable et par la sensation de vitesse en étant près du sol et avec un habitacle à ciel ouvert. Aussi par la transmission propulsion qui aide à enrouler les courbes avec aisance et gaité.
Le prix d’une Datsun Fairlady 2000 en 2023
Ce qui est rare est cher. Une Datsun Fairlady 2000 est rare, surtout avec ces carburateurs Mikuni pour une puissance de 150 chevaux. Pis, les pièces détachées étant introuvables ou presque. Sauf à tenter sa chance sur des sites d’enchères américains et japonais. De ce fait, on peut espérer trouver des rares et beaux modèles à 30 000 €.
Ma conclusion
Cette Datsun Fairlady 2000 aura eu droit à un traitement de faveur. Malgré les contraintes liées au ralenti (mais qui doit se stabiliser après réglages) engendrant une forte consommation d’essence, ses limites d’usage du fait de son âge, et son confort restreint (léger euphémisme), ce roadster japonais procure un plaisir joyeux, partagé et communicatif. On aime être à son volant pour profiter de magnifiques routes champêtres.
Miss Novichok l’a même renommée « Firelady » ce qui lui va parfaitement avec son rouge pompier et les flammes qu’elle apporte dans les yeux de son conducteur. Une chance d’avoir pu rouler 500 bornes avec cette remarquable bagnole.