La réputation de la Honda Civic Type R la désigne comme la meilleure sportive traction au monde. Personne ne semble pouvoir la contester sur un circuit. Pour autant, est-ce une bonne voiture sur route ouverte ? Ma réponse est non. Surtout à 58 910 € (sans le malus). Et je vais vous expliquer pourquoi. Un indice tout de même : c’est dans le titre.
Le contexte de l’essai
La nuit, je ne rêve pas d’Honda Civic Type R. Contrairement à @LeStagiaire. C’est sa Porsche 911 à lui. Depuis des mois, je lui dis de s’organiser pour la récupérer au parc presse. Il me répond « bla bla bla, je n’aurai pas d’occasion pour rouler avec, bla bla bla, je dois vendre mon gros Tarraco, bla bla bla, je dois nourrir ma famille, bla bla bla, je suis un pauvre pigiste précaire (pléonasme), bla bla bla, je n’ai pas de visibilité sur mon calendrier, bla bla bla, je vais perdre mon permis ».
Dès lors, je lui ai planté un couteau dans le dos en me la réservant pour une semaine d’essai. Car certes, je n’en rêve pas, mais j’adore découvrir des bagnoles, d’autant plus quand elles ont une telle réputation. Je veux me faire mon propre avis. Qui apparaît de plus en plus divergeant (« vergeant ! ») de celui de mes confrères car je mets la polyvalence au-dessus de tous les critères. Spoiler (elle en a un énorme) : la Civic Type R n’a rien d’une voiture polyvalente.
Honda Civic Type R : une caisse pour circuit
Voici bien la seule partie que je partage avec ceux qui ont pris le volant de cette japonaise sportive : c’est une pistarde redoutable. Sauf que je n’ai pas roulé sur circuit mais sur des routes fermées seine-et-marnaises pour commencer puis essonniennes pour finir. Immédiatement, j’enchaine les courbes et les accélérations en sorties de virages. La Civic démontre rapidement son potentiel avec notamment une inscription parfaite dans chaque tournant. Entre la direction et le train avant, c’est un lien plus fort que Neymar et la fête. Je n’aurais de cesse de le constater durant toutes les sessions dynamiques, cette traction se place merveilleusement. Sous la pluie, c’est différent. La motricité galère quand on appuie trop fort sur l’accélérateur mais on reste en sécurité.
Mode traction enclenché !
Aucune inquiétude à avoir sur ses compétences de pilote car cette Type R offre un accès facile aux moins talentueux. Je ne dis pas que vous allez éclater un record au Nurb mais je dis que vous allez y croire sans vous mettre en danger. Elle n’est pas joueuse ou piégeuse ou dangereuse. Elle est efficace. Peut-être même trop. Une Honda Civic Type R s’adresse définitivement aux accros des chronos. À ceux qui savent respecter des trajectoires parfaites et des freinages (puissants !) dégressifs pour ne pas perdre le millième de seconde. Vous voyez la Toyota GR86 ? Eh bien c’est l’opposé. Ici pas de glisse vulgaire comme nombre de Japonaises au pays du drift. En restant dans la caricature géographique, la Type R ressemble plus à une Allemande. Pour son humour inexistant et son sérieux académique.
Le mode sport et …
Lors de ma première session remuante, je me suis dit qu’elle envoyait mais qu’il manquait des éléments, le son du moteur ou de l’échappement. Forcément, j’étais en mode « confort » (qui n’a littéralement rien de confort, on y reviendra) et j’ai vu après 80 bornes (13 l/100 km) l’existence d’un bouton pour passer en mode « sport ». Je trouvais que la voiture m’échappait légèrement si je ne tenais pas le volant fermement.
Tout cela a disparu avec ce changement de mode car la direction est devenue plus rigoureuse (alors qu’elle l’était déjà !) et les suspensions plus fermes. Je suis gentil quand je dis fermes. Un bout de bois dur comme mon zoziau devant une GT3 RS. On arrive à un niveau de rigidité jamais expérimenté pour ma part. Même la GR Yaris ne lui arrive pas à la cheville. De part en part, le châssis fait corps avec l’entièreté des montants. Sur une route lisse, c’est un régal. Sur une route avec la moindre aspérité, c’est un supplice.
… surtout le mode « individuel »
Pour contrer cela, j’ai eu la bonne idée d’utiliser le mode « individuel » qui permet de tout régler à la carte. On perçoit les différences pour chacun des items. Comme un bon kéké, j’ai favorisé le m’as-tu-vu et le m’entends-tu avec des cases cochées en « sport » ou « +R » sauf pour les suspensions.
Une façon de limiter la casse (des vertèbres) et de profiter notamment de ce haut-parleur dans l’habitacle. Un son reproduit (donc faux) qui fait son petit effet. Loin d’être ridicule, on y prend goût surtout avec le rev-matching automatique. Nul besoin d’être Senna en mocassins pour le talon-pointe, la voiture sait rester haut dans les tours à chaque rétrogradage.
La boîte de vitesses de la Honda Civic Type R
La commande de boîtes de vitesses relève aussi de la grande précision. Un petit levier tout ferme pour engager les différents rapports. Paradoxalement, on s’y perd parfois pour (re)trouver le point mort. Le passage de la première à la deuxième donne le rythme mais les meilleurs moments restent quand on descend de la quatre vers la trois ou même de la trois vers la deux. On a bien le manche dans le creux de la paume. L’occasion ici de parler des vitesses : 275 km/h en pointe. Le record pour une traction. Je n’ai aucunement atteint ce nombre mais je veux bien y croire. Surtout avec cet aileron d’avion et ce moteur d’ingénieurs racing. Car oui, cette voiture se destine définitivement à la course.
Le moteur et les performances
Avec un 4 cylindres de 2 litres, le moteur de cette 6ème génération de type R conserve les principales caractéristiques de la version précédente en gagnant 9 chevaux et 20 Nm pour atteindre 329 ch et 420 Nm. Ce fameux VTEC se découvre une nouvelle vie avec l’ajout d’un turbo depuis 2015. Histoire de répondre (relativement) aux nouvelles règlementations environnementale pour diminuer les consommations et aussi, par là-même, apporter plus d’agrément à bas régime.
Objectif partiellement atteint car on sent bien qu’en dessous de 3 000 tr/min, faut pas trop lui en demander. On notera les leds jaunes, orange et rouges au-dessus des compteurs qui tombent pile-poil dans le bas du champ de vision pour rappeler le rupteur à 7 000 tours.
D’ailleurs, avec son poids élevé de 1 429 kg, on s’étonne presque de ce chrono en 5,4 secondes pour arriver à 100 km/h tant la puissance du moteur s’exprime réellement après 5 000 tours. La Type R ne donne jamais la sensation de te coller aux sièges. Plutôt de faire qu’un avec la machine.
La position de conduite
La position de conduite est admirable de perfection. On sent que les mecs ont bossé pour aligner le même niveau de performances entre le moteur, la boîte, le châssis, l’aéro et le poste de pilotage. Relativement bas, on tombe dans les sièges qui remplissent adroitement leur fonction de baquet. Le dos bien collé, les mains à 9h15, on se croirait vraiment comme un pilote de course automobile. Ou dans une salle de cinéma comme dirait mon père pour qualifier ce rouge surprenant. Si je ne suis pas forcément le plus grand fan de ce style ostentatoire, je trouve ça génial qu’il existe pour compenser les trop nombreux intérieurs noirs/gris. A priori, j’avais le « pack illumination » en option à 1 040 € qui ajoute des éléments lumineux rouges comme l’éclairage des tapis et des garnitures de portes. Rien ne justifie ce prix et encore moins de le prendre.
Pourquoi n’ai-je pas aimé cette bagnole ?
À me lire depuis le début, on pourrait croire que j’ai adoré cette bagnole vu la quantité de ses qualités. Malheureusement, ça n’a pas été le cas car je sépare la performance et la polyvalence. Particulièrement à ce montant : 58 910 €. À mes yeux, pour ce tarif, on doit avoir le minimum syndical pour rouler quotidiennement. Et c’est ici que nos points de vue vont différer. Je vous connais les lecteurs d’Hoonited. Vous êtes des bagnolards. De ceux qui veulent du sport. De ceux qui veulent des GTI. Nonobstant, cette Honda Civic Type R ne joue plus dans la cour des GTI ; elle est bien au-delà. Dans la cour des super sportives. De celles qui ne perdent pas de temps. Et aussi de celles qui ne font pas de compromis pour le confort.
Donc on peut voir le verre à moitié plein en se disant que c’est fantastique d’avoir une voiture de course pour moins de 60 000 €. On peut. Ou on peut voir le verre à moitié vide (comme moi avec mes origines slaves) et se dire qu’on a claqué le double du prix moyen d’une voiture neuve pour aucun plaisir/agrément au quotidien. En effet, je rappelle que la route n’est pas un circuit et que cette voiture ne prend sens que sur la piste.
Le quotidien tumultueux en Honda Civic Type R
Malgré son mode « confort », la vie quotidienne en Civic n’a rien de confortable. Déjà, elle est longue : 4,59 m (une caméra de recul à la qualité moyenne). Ensuite, elle est basse. Enfin, elle est beaucoup trop rigide. En région parisienne, on se prend tous les nids-de-poule comme si c’étaient des cratères volcaniques et on se farcit les dos-d’âne à 2 km/h, autrement, ça frotte et surtout ça tape. Heureusement que les sièges enveloppent bien et que les mains s’agrippent correctement au volant tellement on est balancé dans tous les sens.
Pour se rendre au boulot et s’engluer dans les bouchons, on arrive à détester cette boîte manuelle entre son embrayage dur et son levier rude. Puis sa consommation, toujours autour des 9 l/100 km sans tirer dedans. Juste à subir les ralentissements mais aussi les voies rapides dégagées. Car dès 80 km/h en 6ème, on a des énormes bruits de roulement, principalement provenant du train avant, ainsi qu’un bourdonnement du moteur.
Pas le ronronnement d’un V6 ou d’un V8 mais bien du bruit sans intérêt sauf à alourdir le crâne après 20 min de trajet. Pour autant, nous ne sommes pas dans le même registre catastrophique du 3 cylindres de la GR Yaris. Cela reste plus noble mais toutefois usant. Oui, encore une fois, je suis sensible des oreilles. Donc oui, c’est un facteur déterminant pour moi. La bonne nouvelle dans tout ça, c’est l’insonorisation face aux bruits d’air. Complètement inexistants. Forcément avec les bruits déjà présents, la coupe est pleine.
L’intérieur de la Honda Civic Type R
Je vante régulièrement l’ergonomie des intérieurs nippons mais celui-ci m’a moins convaincu. Pourtant, c’est quasiment le même, tant aimé avec les commandes physiques de climatisation, que dans le Honda HR-V. Probablement à cause de la parfaite position de conduite, il m’est apparu plus contraignant d’utiliser l’écran (aucun souci avec Android Auto), pas toujours très réactif.
À devoir s’avancer exagérément alors même que je conduis droit et proche du volant. De plus, la grille d’aération sur toute la longueur n’est pas du plus bel effet. Clairement, on a l’impression d’être dans un habitacle d’une voiture à 45 000 € max. Les finitions sont correctes mais limites surtout pour les bruits parasites. Là encore, insupportables pour moi. Parfois, ça craque de partout ! Sièges, tableau de bord, portières, enrouleur de ceinture, tout y passe. Et ma patience aussi.
Je sais que c’est une super sportive, d’accord. Mais je sais surtout qu’à 58 910 €, je veux de la qualité d’assemblage. Là encore, c’est une vision du monde propre à chacun. Puis ce frein à main électrique qui ne s’enclenche pas quand on coupe le contact. C’est dans quel monde, ça ? Plusieurs fois, la voiture a bougé alors que je pensais être à l’arrêt. Pour le désactiver, il fallait parfois garder le pied sur le frein et d’autres fois, cela n’était pas nécessaire. Désagrément supplémentaire, le réglage qui ne déverrouille que la portière conducteur. En laissant mes clés dans le coffre, celui-ci refusait de s’ouvrir. J’ai dû amorcer la porte arrière en passant par l’habitacle puis abaisser un siège afin d’accéder au coffre. Totalement stupide de ne pas détecter la clé dans le coffre comme sur une petite Volkswagen.
La vie à bord
Le coffre de 410 litres surprend par son amplitude et rappelle que cette 11ème génération de Civic devient plus une berline qu’une compacte. On pourrait même parler de familiale car il sera préférable d’y loger des enfants aux places arrière plutôt que des grands d’1m80 et plus. En effet, ils auront largement de la place pour leurs jambes mais aucunement pour leur tête. Ce qui me désespère toujours autant avec des aussi grosses bagnoles. Sans parler de la place centrale qui perdra à tous les niveaux : jambes et tête. La sono n’est pas non plus au niveau. Vraiment pas terrible. Et pas de bouton mute sur le volant.
Le style de la Civic Type R
Plus que jamais, l’esthétisme étant une affaire de goût personnel, on conviendra pour dire que cette nouvelle Civic devient moins caricaturale que la précédente (et plus chère de 10 000 €) mais reste extrêmement clivante. Surtout si on n’aime pas les ailerons démesurés. Pour autant, à l’instar de son intérieur, j’apprécie le fait qu’elle existe ainsi. Particulièrement avec ce Bleu Racing (à 650 €. Les jantes noires de 19 pouces s’accordent correctement avec l’ensemble, malgré leur absence de charme. À l’image de cette voiture : elle est bien mais elle ne me plait pas. La triple sortie d’échappement fait plus sourire que démontrer une réelle pertinence par rapport à la sonorité, même en mode +R que j’ai à peine effleurer du volant car celui-ci se réserve au circuit avec une application mobile dédiée. On trouvera toutes les données utiles dans ces moments-là.
Les aides à la conduite et les bips classiques
La conduite autonome de niveau 2 fonctionne correctement et je reste agréablement surpris par l’affichage du trafic sur l’écran central. En mode classique, les compteurs donnent les informations nécessaires avec l’aide d’une molette sur le volant. Evidemment, on n’évite pas l’écueil des bips réguliers dans de nombreuses situations comme le franchissement de ligne ou l’alerte d’angle-mort. Au début, je trouvais ça léger. À la fin, je voulais m’en débarrasser. Comme ce signal infernal à chaque ralentissement, stop ou feu rouge : « objet à l’approche ». Un radar avant qui s’enclenche en permanence et qu’il est impossible de faire taire autrement qu’en le désactivant totalement via une touche proche de la portière.
La fête des voyants
Durant mes 534 km d’essai, j’ai eu à expérimenter une fête des voyants. Sans aucune raison apparente, des guirlandes orange sur mon tableau de bord pour indiquer que tout était défaillant. Miss Novichok commençait à s’inquiéter de savoir si on allait pouvoir bon renter à bon port. À force de parler avec des mecs en Lotus, je n’angoisse plus du tout de cela. J’ai coupé le moteur et en redémarrant, seulement deux voyants encore présents dont un réduisant possiblement la puissance moteur. En repartant le lendemain matin, il n’en était rien malgré ces alertes. Tout avait disparu 36h après. Honda France n’a jamais eu connaissance de cela sur une Civic mais plusieurs fois sur un HR-V. Sans panne réelle. Juste des voyants. De quoi toutefois écorner la réputation de fiabilité des voitures japonaises.
La conclusion avec son prix et son (énorme) malus
La Honda Civic Type R détient le record du Nürburgring pour une traction. Et sans aller sur ce circuit, on n’en doute aucunement à son volant. Redoutable d’efficacité pour les trajectoires, elle offre une position de conduite digne d’une voiture de course. La boîte de vitesses s’aligne sur les capacités du moteur pour démontrer un savoir-faire d’ingénieurs avec pour seul objectif d’éclater tous les chronos. Toutefois, cette sportive devient terriblement inefficace au quotidien avec des désagréments permanents passant de sa rigidité absolue à ses bruits dans l’habitacle provenant du train avant, du moteur et de l’assemblage des matériaux.
Au catalogue à 58 910 € et avec un malus de 12 552 €, le montant total dépasse le compromis attendu à ce niveau de prix. En effet, pour moi, la polyvalence n’est absolument pas là. C’est uniquement une super sportive. Et pas autre chose. D’autant qu’avec une consommation moyenne à 10,9 l/100 km et 380 km d’autonomie, l’addition devient vraiment salée pour s’amuser ponctuellement. Mais elle n’est rien en comparaison avec le nouveau malus en 2024 qui sera de 35 346 €. À défaut de l’aimer, j’ai apprécié de l’avoir essayée, avant qu’il ne soit trop tard.
Toutes les photos de la Honda Civic Type R
Les plus belles photos sont de @LeStagiaire, comme d’hab.