Le pick-up Isuzu D-Max Space avec sa finition N60 Nitro Sport à la Fast & Furious glisse beaucoup trop pour relever le défi d’un tout-terrain. Particulièrement lors d’une sortie 4×4 dans l’Yonne. On va essayer de faire la part des choses entre l’utilitaire et ses (mauvais) pneus Dunlop.
Marque et modèle | Isuzu D-Max |
Version/finition | Space N60 Nitro Sport |
Prix du modèle essayé | 50 760 € |
Kilomètres parcourus | 694 km |
Consommation constatée | 10,2 l/100 km |
Type de moteur | 4 cylindres 1,9 l |
Puissance | 164 ch |
Couple | 360 Nm |
Boîte de vitesses | Automatique à 6 rapports (DCT) |
Transmission | Intégrale (ou propulsion) |
Poids à vide | 2 058 kg |
Accélération (0 à 100 km/h) | 14 s |
Vitesse maximale | 180 km/h |
La fiche technique complète (bientôt) |
Le contexte de l’essai
Chaque fin d’année, c’est la tradition de Noël. Mais c’est surtout la tradition d’une sortie 4×4 pour les 3 frères Diakov. Dont le benjamin qui est mon patron. Même s’il s’appelle Victor. Donc pour la 3ème année consécutive, j’ai le plaisir de les accompagner. Encore faut-il réussir à se trouver un véhicule tout-terrain. Ils ne courent clairement pas les rues et encore moins les parcs presse. Sachant que j’avais déjà testé le Suzuki Jimny, le Dacia Duster et même le nouveau Dacia Duster 2024.
Il restait donc l’iconique Jeep Wrangler mais celui-ci a été immédiatement réservé par le chef. De ce fait, un pick-up pourrait faire l’affaire. Enfin, dans mon esprit, ça se tentait puisqu’on avait eu le Ford Ranger Raptor l’année dernière. Me voilà à solliciter Isuzu. Depuis plusieurs années, je croise des D-Max sur les plages (pour les sauveteurs) et en forêt (pour les bucherons) donc ça m’allait bien de découvrir cette marque japonaise fabriquant des voitures depuis le début du XXème siècle. Isuzu veut dire « cloches » dans la langue de Kurosawa) et produit essentiellement des camions de poids léger et des utilitaires tout-terrain.
Isuzu D-Max : un utilitaire avant tout
Dans la gamme Isuzu, le D-Max existe depuis 2002 et se veut le concurrent des Toyota Hilux, Nissan Navara ou autre Volkswagen Amarok. Il s’agit d’un utilitaire avant tout. Une grosse bagnole pour les artisans du bâtiment et les exploitants agricoles principalement. Ce que je ne suis pas. Donc attention, cet essai ne reflète pas l’usage adapté à ce véhicule. En gros, un D-Max semble pertinent pour tracter/tirer jusqu’à 3 500 kg et porter 1 042 kg (le poids d’une A110) (ou presque) et c’est tout. Pour un usage quotidien avec une benne vide, le comportement s’appréciera différemment. Surtout quand on est sensible des oreilles comme moi.
Du diesel costaud et bruyant
La réputation d’Isuzu provient de la robustesse de ses moteurs diesel et de sa boîte de vitesse automatique. Impossible d’en juger la fiabilité durant une semaine. Comme pour chaque essai. Par contre, je peux m’exprimer sur l’usage. Et je peux vous dire que ça fait beaucoup de bruit un moteur diesel chez Isuzu. Sous le long capot, nous avons un 4 cylindres 1,9 l de 164 ch pour 360 Nm. En soi, pas vraiment des chiffres très impressionnants. D’ailleurs, c’est marrant car il n’existe aucune information (d’après Google et ChatGPT) sur le 0 à 100 km/h. J’ai dû me sacrifier pour le chronométrer moi-même lors d’une sortie de péage sur l’A5 en direction de l’Yonne. Prêt pour le résultat ? Vraiment prêt ? On y va ! 14 secondes. Plus rapide qu’une Aygo X de 72 ch mais plus lent qu’une Dacia Spring de 65 ch.
Une boîte adaptée pour tracter
Evidemment, le couple et la boîte s’avèrent calibrés pour obtenir de la puissance à bas régime et ainsi lancer la machine. Celle-ci pesant 2 058 kg à vide, on ne doit pas être pressé pour s’élancer puis s’insérer. Même pour doubler, c’est compliqué. Puis le moteur hurle quand on monte dans les tours. Autrement, il demeure bruyant à chaque instant. On apprécie le start & stop (quand il s’enclenche car avec le chauffage en permanence, ça limite cette possibilité) pour retrouver un peu de calme.
On a aussi la sensation de n’être jamais sur le bon rapport avec une boîte automatique Aisin lente et confuse. Au début, je lui trouvais du charme à ce pick-up mais après 694 km à son volant, c’est usant. Notamment à 130 km/h. Au moins, pas de problème de bruit d’air car le vacarme ambiant (80 dB !) prend le pas. Seule solution : monter le son du système hi-fi. Puissant, clair et équilibré même si Miss Novichok le trouvait peu immersif.
Un pick-up qui ressemble à un pick-up
Je l’aimais bien ce pick-up car on retrouve immédiatement ce qu’on imagine d’un pick-up. Une bonne gueule avec cette couleur « Namibu Orange » qui vire au rouge selon la lumière. Une position haute avec une sorte de petit camion dans les mains. Pour y accéder et en descendre, on dispose de marchepieds sur cette finition haut de gamme, au nom légèrement ridicule de « Nitro Sport ». Dans l’habitacle, les matériaux apparaissent très corrects pour ce type d’engin. Quelques bruits de mobilier au niveau des portières. On pourrait s’attendre à pire et on sent que même les forçats peuvent demander un certain confort. Ce qui est le cas des sièges en cuir et aussi des suspensions. Elles tapent un peu mais jamais beaucoup sur la chaussée. Idem en tout-terrain.
Isuzu D-Max : la vie à bord
Bonne surprise avec la présence d’Android Auto sans fil. Mais avec fil. Impossible de se connecter sans fil au démarrage. Il faut forcément brancher son téléphone. Puis après, on peut le débrancher, on perd la connexion mais on la retrouve en cliquant sur l’icône Android Auto. J’ai aussi eu des autres coupures sans explication. Avec un écran de 9 pouces bien agencé mais peu réactif au toucher. On appréciera le fait de pouvoir déconnecter facilement le bip de survitesse en 3 clics. On détestera l’ensemble des aides à la conduite. Entre dysfonctionnantes ou inopérantes, ce fut une torture de les subir. Notamment le freinage d’urgence (quand on arrive trop vite/près selon Isuzu) qui bipe et illumine les compteurs de 7,2 pouces ou l’aide au stationnement. On peut presque tout désactiver mais il faut recommencer à chaque redémarrage.
Comme souvent chez les constructeurs japonais, la sécurité des occupants passe largement devant la tranquillité du conducteur. On appréciera l’efficacité des freins même si ce sont des tambours à l’arrière. En parlant d’arrière, on a 2 places à l’arrière dans cette version Space accessibles grâce à une ouverture de porte antagoniste, comme sur la Fiat 500e 3+1. Ce sont des sortes de strapontins permettant de s’exonérer du malus écologique en passant le D-Max comme un utilitaire, ce qu’il est. Je n’ai même pas essayé de m’asseoir dessus mais j’y ai mis mes sacs.
La taille, le prix et la consommation
Parlons taille avant de passer à la boue. Nous avons 5,36 m de longueur dont 1,81 m de benne et 13 m pour le diamètre de braquage. On arrive tout de même à manœuvrer car on ne craint pas de l’abîmer avec sa garde au sol élevée (on y reviendra) et ses gros boudins autour des jantes de 18 pouces. La caméra de recul offre une résolution suffisante. Le tout pour 42 300 € hors taxe. Oui, dans le monde du pick-up, on ne paye pas d’impôts. Oh ça va, je plaisante. On récupère la TVA. Autrement, pour un particulier, ça nous donne 50 760 € TTC.
Ce bestiau consomme 10,2 l/100 km en moyenne avec une session 4×4 de 150 km pouvant atteindre 16 l/100 km. Autrement, dans un usage (à vide !) normal avec pas mal de ville finalement, on tourne à 9 l/100 km. J’ai réussi à descendre à 6,9 l/100 km pour mon trajet du boulot. Avec un gros réservoir de 76 litres, on pourra dépasser les 750 km d’autonomie et toucher les 800 km si on ne se balade pas dans les bois.
Isuzu D-Max : la sortie 4×4 !
Enfin ! On va parler d’un truc rigolo. Ma pire donc ma meilleure sortie 4×4. Je me suis régalé à faire n’importe quoi au volant de cet Isuzu D-Max. Soit volontairement, soit involontairement. On ne pourra pas parler de l’expression d’une grande maturité durant cette journée, comme le prouve ces nombreux phallus dessinés sur les bagnoles. Je n’irais pas jusqu’à parler de masculinité toxique mais on a encore du chemin pour déconstruire les stéréotypes d’une bande de 7 mecs dans des gros « quatequates ». Sans parler du barbecue et des bières (enfin, une bière par personne car on veut bien être des ados mais pas au point de se mettre tous en danger à cause de l’alcool).
Le vrai patron de cette journée, c’est Alexi avec sa Jeep Cherokee équipée d’un 6 cylindre en ligne de 4 litres et de pneus aux crampons à labourer la terre à chaque accélération. En co-pilote, on trouve Julien venu en Buick Skylark dans le 89 avec des bottes de marin (d’eau douce) achetées la veille chez Décathlon. Dans l’autre Jeep, on aura Anton et Victor, les deux petits frères d’Alexi. Dans mon D-Max, j’ai partagé les rires (et les peurs) avec Olivier. Et enfin, Yann en solo, dans son Isuzu D-Max aménagé pour aller au bout du monde en famille avec 3 enfants. Sans le faire exprès, on a deux Jeep et deux Isuzu D-Max. Et je vous laisse deviner quel constructeur s’est baladé pendant que l’autre a galéré.
Dunlop Grandtrek AT20 : nuls à chier
On ne le dira jamais assez, du tout-terrain ne peut se réaliser sans pneu adapté. Au risque de se tanquer. Ce que j’ai fait. A deux reprises. Mais avant d’en parler, je vais commencer par le début. Les roues motrices. On peut basculer de 2 à 4 (et inversement) par une molette, le tout en roulant. Ce D-Max se dote de Dunlop Grandtrek AT20. Des pneus 4 saisons nuls sur le mouillé et encore plus dans la boue. En propulsion, le D-Max chasse de la benne à chaque reprise de gaz en sortie de virage. En transmission intégrale, il reste typé propulsion avec donc une possibilité de prolonger la glisse en gardant de la vitesse. Ce que j’ai expérimenté durant des heures dans les chemins au milieu champs.
Pour arriver à avancer, après avoir déconnecté l’ESP, je mettais pas mal d’angle dans le volant pour serpenter avec le cul à gauche puis à droite, un peu comme un patineur qui s’échauffe. Difficile de rester dans les traces avec des pneus n’offrant pas d’adhérence. Surtout quand cet idiot de Victor s’arrête en montée pour passer en boîte courte. On s’est donc retrouvés à pousser les deux Isuzu pour les aider à grimper la côte. Dès lors, j’ai toujours essayé de garder de la vitesse et j’en ai parfois abusé à me croire dans une course Baja, du rallye off-road. Au risque de ne pas réussir à freiner avec un ABS en PLS dans les descentes. J’ai bien cru que j’allais m’emplafonner dans le cul de la Cherokee mais j’ai réussi, par chance, à me foutre à l’orée d’un champ. Et d’en sortir tout seul, par miracle.
Se tanquer en Isuzu D-Max
Ça n’a pas toujours été le cas. Alexi allait secourir Yann donc j’ai reculé et je me suis décalé pour le laisser passer. Trop décalé. Un dévers suffisant pour me mettre sur le côté avec la roue droite partiellement engloutie par une terre meuble. On sort les sangles et les câbles de remorquage. Anton s’occupe de tout bien harnacher. Je me remets au volant et la Jeep d’Alexi fait merveille en me dégageant ultra facilement.
Une seconde fois, je franchis le Rubicon car Victor a ralenti avec son Wrangler. Donc je me décale sur la droite ayant toujours autant de difficultés pour m’arrêter. Encore tanqué sur le côté. Le mode « terrain accidenté » (permettant une gestion de l’antipanage et du moteur) ne sert strictement à rien. On le voit bien dans cette vidéo où après avoir été (encore) secouru par le Cherokee, ce D-Max n’arrive même pas à retrouver de la motricité dans une légère montée. C’est un pick-up d’assisté.
La garde au sol
Il reste compliqué de faire la part des choses entre la motricité intrinsèque du D-Max et les pneus trop lisses pour du tout-terrain. Ce pick-up n’atteint clairement pas le niveau d’un Jimny ou d’un Dacia pour le off-road malgré un angle élevé de renversement à 49°. On pourra lui trouver une qualité dans ces situations : sa garde au sol de 23,5 cm. C’est la première fois qu’aucun obstacle ne vient toucher la protection du châssis lors d’une session 4×4. Et pourtant, nous sommes passés dans de grosses ornières. Cela amène de la confiance. Mais ça ne sauve pas de tout.
En conclusion
Prendre un pick-up utilitaire pour une sortie 4×4 dans des terrains boueux n’est peut-être pas la meilleure idée du siècle. Cela permet tout de même de s’amuser avec les copains en glissant à travers champs. On appréciera les suspensions qui limitent les dégâts pour les occupants ainsi qu’une position de conduite agréable pour le conducteur. De plus, la garde au sol offre une sécurité appréciable pour les passages compliqués mais les pneus totalement inadaptés à la gadoue pénaliseront forcément ce véhicule à la transmission intégrale discutable. Le moteur diesel bruyant et la boîte automatique lente généreront des nuisances au quotidien si on l’utilise comme une voiture de tourisme et non comme ce qu’il est : un utilitaire.