La Porsche Taycan 4S s’essaye durant deux journées. Il s’agit d’une berline 100 % électrique de 517 ch à un tarif (trop) élevé avec une vocation de GT malgré des évocations de sportivité.
Marque et modèle | Porsche Taycan |
Version/finition | 4S |
Prix du modèle essayé | 167 982 € |
Kilomètres parcourus | 456 km |
Consommation constatée | 22,7 kWh/100 km |
Type de moteur | 2 moteurs électriques |
Puissance | 517 ch |
Couple | 710 Nm |
Boîte de vitesses | Automatique à 2 rapports |
Transmission | Intégrale |
Poids à vide | 2 250 kg |
Accélération (0 à 100 km/h) | 3,7 s |
Vitesse maximale | 250 km/h |
La fiche technique complète (bientôt) |
Le contexte de l’essai
Je rêve de Porsche. Vous le savez si vous me lisez ici ou si vous me suivez sur Twitter X. Je rêve de Porsche depuis que je suis enfant. Je rêve surtout de Porsche 911. Une sportive pouvant s’utiliser quotidiennement grâce à son incroyable polyvalence. En mai 2023, pour fêter mes 2 ans chez Hoonited, j’ai formulé une demande (par un mail à 9h11) auprès de Porsche France pour tenter d’essayer une 911 type 992. N’importe laquelle. J’ai eu une réponse rapide m’indiquant que ça serait plus une Taycan dans les prochains mois. J’oscillais entre déception et excitation. Car je suis un enfant gâté.
Puis j’ai raisonné en me disant que Porsche n’avait pas besoin d’un petit blogueur pour faire parler de la meilleure voiture du monde. Par contre, ça semble plus compliqué pour continuer de vendre cette berline 100 % électrique quand on est le constructeur le plus titré de l’univers (des courses automobiles). Finalement, c’est en décembre 2024 que mon rêve se réalise : rouler en Porsche durant 2 jours et 500 km max. C’est peu mais c’est le jeu. Et c’est toujours le double des uniques journées en Maserati.
Le prix d’une Porsche Taycan 4S
On va commencer par être vulgaire. Je vais parler du prix. 167 982 €. Cette Porsche Taycan 4S monte sur le podium de mes voitures les plus chères à l’essai. La première étant la Ghibli Trofeo à 191 940 € et la 3ème le BMW XM à 147 850 €. Je ne suis pas un expert de ces tarifs (la moyenne de mes 97 essais se situe à 56 137 €) mais j’ai vraiment la sensation qu’il va être compliqué de justifier ce montant. Et c’est un premier problème. Malheureusement, ça ne sera pas le dernier. On y reviendra.
Je crois qu’on paie (en partie) le logo. Et je comprends car il fait fantasmer ce (beau) logo. Après Ferrari, Porsche doit sûrement revenir dans la majorité des réponses des 8 milliards d’humains sur terre (et aussi sur Mars) quand on questionne sur le plus célèbre constructeur automobile. De plus, Porsche a toujours été le spécialiste des listes d’options à l’infini. Un mal bien connu chez les constructeurs premium allemands et celui de Stuttgart-Zuffenhausen en est au sommet (de la Zugspitze).
Les options et la vie à bord
Ne comptez pas sur moi pour vous énumérer les 43 686 € d’options. Mais un peu quand même. Comme par exemple cet intérieur en cuir lisse bicolore noir/craie à 4 098 €. Sans juger de son esthétique, je peux vous dire que les matériaux déçoivent. Tout est dur. Pas dur comme chez Suzuki ou Toyota. Mais dur comme dans une bagnole à 40 000 €. Visuellement, les ajustements semblent bons. Sauf qu’à l’oreille, ça ne va pas. On entend des bruits de mobilier. Ils sont aléatoires, mais bien présents. Notamment dans les porte-gobelets, les contre-portes et à proximité des enrouleurs des ceintures.
Attention, nous sommes dans une voiture électrique donc par rapport à une thermique, on entend forcément plus les bruits dans l’habitacle. Et attention encore, ça peut dépendre des occupants. Par exemple, avec mon père qui pèse 104 kg, y a moins de jeu dans le mobilier puisque son poids l’oppresse. Ah oui, immanquablement, je suis allé chez mes parents avec ma Porsche. Je les soûle depuis 30 ans sur le sujet donc c’était un passage obligé. D’ailleurs, mon paternel porte aussi le même jugement sur l’intérieur disant que ça manque de cuir ou de plastique moussé pour valoriser l’ensemble.
On ne peut clairement pas parler d’un habitacle premium en comparaison avec BMW ou Audi et encore moins de luxe comme chez Bentley (283 450 € à sa sortie et 90 000 € aujourd’hui). Peut-être que je me trompe dans mes a priori positifs pour Porsche mais je ne m’attendais pas à cet habitacle. Le sélecteur de vitesses se trouve derrière le volant à droite, pas des plus accessibles. Et il faudra effectuer un appui long sur le bouton à gauche du volant pour éteindre la voiture.
Les écrans de la Porsche Taycan 4S
Autre point décevant, la réactivité des écrans. Je ne veux même pas parler de celui pour le passager (à 1 374 €), tellement il ne sert à rien. L’écran central de 10,9 pouces s’étire en longueur et nuit à l’accessibilité des menus détaillés. Le pire étant celui en-dessous (de 8,4 pouces) car comme dans le Q8, ce sont des touches haptiques. Et ça rime avec merdiques. Je les déteste car on doit appuyer fortement dessus pour actionner correctement la climatisation, les sièges chauffants et l’accès à différents menus, comme Android Auto (j’ai pu rencontrer quelques difficultés de connexion).
Rendez-nous les boutons physiques ! Comme ceux du volant avec un bouton mute. Mais pas de touche pour le morceau précédent (très bon son Bose, en option à 1 362 €, même s’il manque un peu de puissance). Il a disparu au profit d’une touche raccourci (en forme de losange) qu’on peut utiliser notamment pour actionner la sensationnelle caméra 360 (Tesla, prends-en de la graine !) ou surtout pour couper le bip de survitesse.
On aura un petit logo l’indiquant sur la grande et belle instrumentation numérique de 16,8 pouces avec des parties scindés par la jante du volant. Je voyais tout mais ça dépend sûrement du réglage des sièges (chauffants, 18 positions et mémorisables pour trois conducteurs) à 2 052 €. Ceux-ci sont bien enveloppants et amènent une bonne position de conduite. D’autant plus renforcée par la ligne basse du tableau de bord donnant une excellente visibilité sur les arches des roues avant. Cela affirme le caractère dynamique de la voiture.
Le poids de la Porsche Taycan 4S
Oui, j’ai dit écrit dynamique et non sportif. Est-ce qu’une berline Porsche doit être sportive ? Pour moi oui. Et c’est peut-être là où je me trompe. Mais quand je vois « 4S » sur la fiche technique, je m’attends à du sport, à réussir des enchainements rapides dans des virages serrés. Pour cela, il faut de la légèreté. Avec 2 250 kg, ce Taycan ne fait jamais oublier son poids, particulièrement dans les descentes avec une énorme inertie.
Pourtant, les ingénieurs se sont donnés du mal avec de multiples technologies comme le Porsche Torque Vectoring Plus (PTV Plus) à 1 500 € pour augmenter la maniabilité, la stabilité et le dynamisme ainsi que les géniales roues arrière directrices à 2 064 €. Toutefois, la physique reprend ses droits et on devra tempérer ses ardeurs. Surtout avec une route grasse. J’ai pu sentir la poupe se balancer de gauche à droite malgré des Michelin Pilot Sport 4. Donc on oublie la conduite comme en A110. Cependant, on ne ressent pas de danger, juste de la déception. Je ne comptais pas dépasser les bornes et me planter en Porsche.
Il faudra se tourner vers une conduite Grand Tourism pour l’apprécier davantage. Une GT sévèrement plaisante à amener dans les grandes courbes. Ce qui ne déçoit pas du tout, ce sont la direction et le châssis. Aucune critique négative à émettre. Bien au contraire. On tient une voiture directive et réactive entre les mains. Plus on va vite, plus on prend du plaisir. C’est sûrement ça le problème. On regrette vraiment les 400 kilos supplémentaires (avec l’option Batterie Performance Plus à 5 568 €) face à la Model 3 Performance.
Les performances et les chiffres
C’est le moment de comparer Porsche à Tesla. Nous avons 517 ch et même 598 ch pendant quelques secondes avec l’Overboost durant le launch control. Ce qui permet de réaliser le 0 à 100 km/h en 3,7 s. Contre 466 ch et 3,1 s avec le constructeur américain. Oui, cette Taycan se fait fumer. Ça ne veut pas tout dire les lignes droites. Sauf qu’à 105 000 € de moins, ça rend aigri. Et elle se fait aussi fumer par le Model Y Performance de @LeStagiaire (lors d’une drag race sur route fermée) grâce à une meilleure motricité en conditions hivernales.
La Porsche rend moins malade. Elle fracasse largement suffisamment les nuques contre les appuie-têtes à chaque accélération avec ses 710 Nm de couple et sa transmission intégrale (d’où le 4 dans son titre comme 4 roues motrices). Pas besoin de préciser qu’il n’existe pas de difficulté pour s’insérer ou pour doubler. Je dis souvent que la puissance idéale en électrique se situe à 280 ch (comme sur la BMW i4 ou la Tesla Model Y mais finalement, je ne suis pas contre ces 517 ch, surtout avec ce confort permanent, et cette boîte automatique à 2 rapports. Oui, un cas quasi-unique (avec sa cousine e-tron GT) qui permet d’optimiser les accélérations puis les vitesses maximales. On ressent un léger à-coup vers les 100 km/h. Surprenant et rigolo en même temps.
Le phénoménal Porsche Active Ride
Si les suspensions pilotées sont gages de confort, le Porsche Active Ride en devient la référence ultime. Ce système équipe chaque roue d’un seul moteur-pompe pour contrôler la quantité de pression hydraulique dans l’amortisseur via un moteur électrique. Si vous n’avez rien compris, ce n’est pas grave : payez absolument les 8 154 € demandés car le bonheur sera immédiat, quel que soit l’état de la chaussée. La voiture s’adapte à chaque instant pour offrir la meilleure tenue de route. On pourra même relever la hauteur de caisse avant un dos-d’âne et enregistrer cette position pour que l’auto la reprenne automatiquement au prochain passage.
Malgré ses 4,96 m, cette grande (et grosse) berline se meut facilement en ville. Les roues arrière directrices restreignent le diamètre de braquage à 11,2 m (contre 11,7 m sans) et on a l’impression de rouler dans une Twingo III. Aucune crainte de niquer les jantes Turbo Aero Sport de 20 pouces à 2 532 € sur un vilain trottoir. Elles ne sont pas folles. Contrairement aux 162 € qu’il faut payer pour avoir le joli centre des roues avec l’écusson Porsche en couleur.
En parlant de couleur, la teinte Provence à 1 860 € rend bien sur le papier mais s’avère fade dans la réalité. Mais bon, c’est toujours mieux que toutes ces Porsche noires ou grises qu’on croise tous les jours. Un mot sur la ligne de cette Taycan pour dire qu’elle reste totalement réussie, notamment avec ce facelift (phase 2) en 2023 après sa sortie en 2019. Ça fait du bien de rouler en berline et non en SUV.
Les places arrière et les coffres
Ça fait du bien au conducteur (malgré les montants larges qui gênent pour une bonne visibilité des angle-morts sur les côtés) mais il faudra en parler aux passagers. Les places arrière demeurent confortables tant que l’on ne dépasse pas 1,80 m. Autrement, les têtes toucheront le toit. Donc en matière d’habitabilité, la Model 3 gagne notamment pour le volume des coffres. La Tesla dispose de 594 litres contre seulement 407 litres pour la Porsche. Kif-kif pour le frunk avec 84 litres. Dès lors, pas sûr de partir sereinement en famille. Surtout si, comme moi, on ne se limite pas en bagages.
Une routière à l’excellente recharge
Finalement, est-ce que cette Porsche Taycan ne serait pas une excellente routière ? Ce qui apparaît toujours antinomique quand on parle de voitures électriques. Avec 105 kWh pour la capacité brute de la batterie et une consommation moyenne de 22,7 kWh/100 km (durant 456 bornes), on pourra réaliser 460 km. Et plutôt 350 km sur autoroute. Mais on pourra surtout recharger rapidement, jusqu’à 320 kW. Pour ma part, j’ai récupéré 236 km en 20 min (passant de 36 à 80 %) avec une vitesse moyenne de 175 kW. Le préconditionnement de la batterie se fait automatiquement avec le GPS natif mais celui-ci est lent et moche.
Durant cet essai, mon problème n’aura pas été le temps pour recharger mais de trouver des bornes fonctionnelles ou disponibles. Cela faisait longtemps, mais j’ai eu un refus sur une Electra et des places déjà prises (jeu de mots) sur des Lidl. Porsche France m’a filé une carte (merci !) mais celle-ci n’a pas fonctionné sur une borne alors que ça passait avec ma CB. Bref, c’est relou l’électrique (en Porsche ou pas en Porsche) quand on n’a pas de solution à domicile.
Le « mode Brake » risible de la Porsche Taycan 4S
Ce que j’adore profondément avec les voitures électriques (ou hybrides rechargeables), c’est le « mode Brake ». Celui qui permet de conduire à une pédale. Alors, pour mon papa qui pense à une seule et unique pédale ; c’est non. Nous avons bien deux pédales, dont celle de frein. Mais on peut, si on le décide (sauf chez Tesla et ça me va très bien !), conduire en lâchant progressivement l’accélérateur pour permettre à la voiture de ralentir, et parfois (comme chez Tesla !) jusqu’à l’arrêt. À mes yeux (et à mes pieds), une électrique doit obligatoirement proposer ce type de conduite « one-pedal ».
Certes, il est préférable de jouer sur la roue libre pour limiter les consommations. Mais je veux être tranquille dans les bouchons ou en ville grâce à ce système. Si je détaille tout cela, c’est que cette Taycan propose un « mode Brake » totalement risible et gadget. Il ne sert à rien. On ralentit à peine. Même en « mode Range » qui correspond au « mode éco ». Porsche privilégie le freinage régénératif en appuyant sur la pédale de frein. Ça ne correspond pas à ma vision et surtout à mon usage d’une bagnole électrifiée.
Les freins puissants (si on appuie fort)
Je crois aussi que Porsche veut garder sa réputation de freinage redoutable et endurant. Au point que l’amorce de la pédale de frein rappelle celle des sportives dont la 911, que j’ai essayée grâce à Guillaume. On doit mettre le pied dedans pour ralentir. Franchement. Sans y aller doucement (et aussi pour enclencher le « hold » à l’arrêt permettant de bloquer la voiture, comme un frein à main). Quand on fait ça, on s’arrête net. Heureusement vu le poids de cette berline. On ne doute pas de leur endurance même si une nouvelle fois, la Taycan reste trop lourde pour s’adonner à une conduite sportive.
On préférera un rythme soutenu avec une excellente insonorisation. Si on tend l’oreille, on percevra quelques bruits d’air à partir de 130 km/h, mais autrement cela reste très feutré. Parfois, le bruit du train avant dans l’habitacle quand la route devient défoncée. Du bruit mais jamais d’inconfort grâce à ce fameux Porsche Active Ride. Celui-ci s’adapte aussi entre le mode « normal » et « sport » avec, occasionnellement, un petit bruit de claquement. On passera d’un mode à l’autre avec le manettino la molette pertinente sur le volant. Avec un commodo un peu à l’ancienne (comme chez Audi), il sera possible d’activer le régulateur adaptatif qui rempli bien son boulot avec un redémarrage dans les bouchons (si on ne reste pas trop longtemps à l’arrêt). Finalement, si on me la donne, je suis partant pour la rouler quotidiennement.
Le prix, toujours le prix
Avant de conclure, je reviens sur le tarif de cette Porsche Taycan 4S : 167 982 €. Moi, je suis d’accord de payer ce prix pour une bagnole (dès que je gagne à l’Euromillions, je me prends une 991 Turbo S phase 2 dans les mêmes montants en occasion) mais j’en veux absolument pour mon argent. À la première sensation et même après réflexion, je ne trouve rien qui pourrait le justifier. Une Ghibli Trofeo encore plus chère offrait une V8 ravageur et une GT luxueuse par son habitacle. Un Grecale Trofeo moins onéreux donnait bien plus de sensations à son volant.
Même un XM moche et lourd pouvait vaguement justifier son tarif par ses technologies et son habitabilité de camion. En comparaison avec mes 96 autres essais, cette Porsche devrait se vendre à 110 000 € grand max et avec le volant chauffant. Car oui, il faut encore rajouter 270 € aux 167 982 € pour avoir un volant chauffant. Ne comptez pas sur moi pour comparer avec une MG3 à 24 140 € qui est dotée d’un volant chauffant. Oups, j’ai comparé une Porsche avec du low-cost chinois.
En conclusion
Cette Porsche Taycan 4S ne comble pas toutes mes attentes. Car elles sont aussi élevées que le prix de cette voiture. À ce tarif, un constructeur automobile se doit d’être irréprochable sur les finitions et l’assemblage de son habitacle. De ce fait, les bruits de mobilier déçoivent. Tout comme la faiblesse d’un « mode Brake » pour conduire à une pédale, l’apanage des voitures électriques. De plus, l’écueil du poids trop important pour une conduite engagée dessert cette Porsche, une marque si emblématique des compétitions sportives. Heureusement que son excellent châssis et sa direction vive compensent ces défauts bien aidés par une technologie redoutable des suspensions. On profite alors d’une conduite polyvalente avec un dynamisme affirmé sur les grandes courbes ainsi que de manœuvres urbaines facilitées grâce aux roues directrices. En somme, une excellente auto et non une exceptionnelle bagnole. Ce que je regrette quand on s’appelle Porsche.
Toutes les photos de la Porsche Taycan 4S
Les belles photos par @LeStagiaire.