À l’image du SUV dans le monde de la bagnole, le trail peut être considéré comme le fléau dans le monde de la moto : c’est énorme, inadapté à la ville et beaucoup ne s’en servent que pour chercher le pain. Oui, je fais de mon cas d’usage une généralité, mais comme j’aime bien ça, j’ai décidé de l’appliquer à la nouvelle Suzuki V-Strom 800DE.
Un modèle qui se veut tout terrain, mais surtout GT bon gré mal gré, et qui coche beaucoup de cases de ce que je considère comme une grosse moto. Alors ceux qui préfèrent les choix de raisons sont invités à lire l’essai de la Dacia Sandero Stepway du Novichok. Pour les autres, c’est parti pour les aventures de Nico sur le périphérique parisien.
Comment avons-nous essayé la moto ? Après avoir déposé la Suzuki GSX-8S chez le constructeur, nous sommes repartis pour un essai de 3 semaines avec cette fois-ci la V-Strom 800DE. Comme d’habitude, la moto a essentiellement servi pour les trajets du quotidien et s’aventurer quelque peu le week-end. Vivement le retour du printemps et de l’été pour rouler vite, loin et vous rédiger de beaux papiers voyage. |
Quand on arrive en villeee 🎶
Au catalogue Suzuki, la V-Strom 800DE fait le lien entre la « petite » V-Strom 650XT et la V-Strom 1050DE. Si vous me demandez de laquelle notre trail d’essai se rapproche le plus, c’est clairement du plus grand modèle. Visuellement pour commencer, car le destrier jaune est énorme (2 345 x 975 x 1 310 mm) et surtout très haut perché, avec une selle placée à 855 mm du sol. Pas facile de monter dessus d’ailleurs et d’avoir les deux pieds au sol constamment, même pour votre serviteur d’1m90.
Ces dimensions permettent néanmoins d’être confortablement bien installé, pilote comme passager, ce que l’on recherche avec ce genre de trail-GT (selon moi). La grande selle est moelleuse, le buste est bien droit, les bras tiennent aisément le guidon et le regard est fixé au loin. La route est à nous, et on en impose sur la V-Strom 800DE.
Comme si ce n’était pas suffisant, Suzuki a gratifié son modèle de coloris tape à l’œil. Le notre, appelé CHAMPION YELLOW N°2 (YU1), évoque instantanément les DR800 des années 80 et mélange le bleu au jaune prédominant. Mais dans le quotidien, ces éléments sont plutôt handicapants, surtout quand on a pas ou peu de vêtements assortis à la machine (un problème mineur, certes).
800Desert Explorer
Laissez-moi vous expliquer mon quotidien. Une fois réveillé, peigné, habillé et ravitaillé, j’enfile mon blouson en cuir et passe au garage. La place, partagée avec un SUV, requiert chaque matin (ou soir) de pivoter la moto sur la béquille latérale afin de pouvoir sortir. Et avec 230 kg en ordre de marche et 2 mètres de longueur, l’exercice est loin d’être fun. On s’en sort quand même une fois le point d’équilibre trouvé et les assistances Suzuki, comme le Low RPM Assist qui accompagne le moteur au démarrage, permettent de prendre la route rapidement.
Une fois au bout de ma rue, je tombe à un premier feu où je prends conscience qu’être grand est vraiment une chance pour tenir ce trail. Mon ventre se rapproche du réservoir afin de toucher le sol des deux pieds. La lumière passe au vert, et c’est là que le jeu commence : fainéant et misant sur le fait que je sois à moto, je pars bien évidement aux heures de pointe. Me voilà obligé de slalomer pendant 40 minutes entre les véhicules de tourisme, les utilitaires, bus ou encore voitures de police peuplant le périphérique avec… la V-Strom 800DE.
Si son poids se fait oublier en roulant, son large guidon me rappelle très vite que je pilote un Type 95 Ha-Gō dans Paris. Il faut donc souvent se déhancher entre les rétroviseurs, parfois attendre et se faire klaxonner par Jean-Scoubi qui n’a visiblement pas « mon temps » pour passer. Cela peut rapidement devenir un souci tant les véhicules ont grossi avec le temps. Bon, rien n’est impossible, et comme mes confrères en plus grosse cylindrée, je m’adapte : BMistes, amateurs d’Africa Twin et de Harley, V à vous.
Une bête de course
Vous l’aurez compris, je n’ai pas spécialement aimé piloter la V-Strom dans mon quotidien. Par contre, je ne peux nier que c’est une machine efficace pour s’extirper de la ville. Sous la poignée Ride by wire, 84,3 ch sont prêts à jaillir à 8 500 tr/mn. La puissance arrive même un peu plus tôt que sur la GSX-8S avec qui elle partage le même moteur. Un choix sans doute dicté par le besoin de tracter davantage à bas régime en tout terrain.
Et effectivement, ça pousse fort dès les bas régimes, mais toujours sans se montrer brutal. Il y en a suffisamment de coffre pour rouler à allure soutenu (les pneus avec chambre à air Dunlop Trailmax Tour tiennent bien le pavé par ailleurs), en duo, avec de la bagagerie et bien sûr dans les chemins les moins praticables. Il n’y a qu’à voir ses reposes pieds, son pot d’échappement pointé vers le haut et surtout son débattement important de 220 mm pour s’en rendre compte.
Je me suis fait une petite frayeur à ce sujet. Lors d’un freinage appuyé en inter-files, j’ai eu la main droite un peu ferme et l’avant de la moto a méchamment plongé. Comme quoi, un freinage axial à l’avant avec un étriers 4 pistons, c’est déjà pas si mal.
Le saviez-vous ? « Bec de canard », « BIG DR »… il y a tant de noms pour désigner la Suzuki 750 DR, l’ancêtre de la V-Strom 800DE. C’était aussi l’un des plus gros monocylindre de sa génération (le 800 DR arrive juste après), et l’une des motos qui a stylistiquement le plus influencé la scène trail avec son fameux bec de canard. |
Ce genre d’intervention flippante arrive moins souvent sur les départementales. Une fois lancée sur ces routes moins empruntés, le poids se fait oublier et on prend du plaisir à enchaîner les virolos avec de la hauteur, grâce à un châssis sérieux. Avec 5 L / 100 km de consommation constaté et un réservoir de 20 L, on peut aller loin. On ne manque en plus jamais de puissance. Mon seul regret vient de la protection nulle.
La V-Strom 800DE sort d’usine avec une casquette ajustable sur 3 niveaux. On peut la remonter de 3 crans à l’aide d’une clef Allen (oui), mais le résultat est loin d’être probant. Aussi, le fait d’être installé sur la moto et non à l’intérieur comme sur une Ténéré 700 ne protège pas le buste contre le vent et les intempéries. Le passage par le catalogue accessoire est donc impératif pour rouler par toute saison, même si j’émets des doutes sur l’efficacité de la bulle touring dont sa variante GT, la 800SE, est dotée d’office.
Simple, mais efficace
Du côté des fonctionnalités, c’est toujours aussi simple que sur le GSX-8S. À l’aide du commodo gauche, on a la possibilité de faire défiler des informations sur l’ordinateur de bord (Trip 1, Trip 2, voltage de la batterie, kilomètres restants avant la panne sèche…), mais aussi de jongler entre 3 modes moteur et de jouer sur le Traction Control. Enfin, l’ABS arrière est déconnectable pour les sorties off-road.
La V-Strom 800DE dispose aussi d’une prise USB de série placée derrière l’écran TFT couleur de 5 pouces. Ce dernier passe automatiquement d’un fond noir à un fond blanc en fonction de la luminosité et s’avère lisible en toute circonstance.
Sur le roadster, j’avais trouvé le Quick Shifter Up & Down de série plutôt rêche. Avec du recul, je le trouve fonctionnel à la descente des rapports, mais plus on / off à la montée, ce qui fait hoqueter la mouture japonaise.
Et puisque l’on parle des choses présentes de série, il faut préciser que la V-Strom 800DE possède des pare-mains en plastique déviant plutôt bien le vent ainsi qu’un sabot moteur également en plastique. Je ne suis pas certain qu’il tiendra longtemps lors de cessions poussées en tout terrain, mais on peut saluer l’effort de Suzuki d’en avoir installé un. Aussi, on notera l’absence de régulateur de vitesse.
Le point sur la concurrence de la Suzuki V-Strom 800DE
Aujourd’hui encore, la Yamaha Ténéré 700 possède un énorme capital sympathie auprès des trailistes. Son nom y est pour beaucoup bien sûr, mais c’est surtout sa simplicité d’utilisation, son vaillant moteur et ses capacités en franchissement qui la rendent si attrayante. Affichée à partir de 11 399 €, elle reste une belle porte d’entrée dans le monde du trail, mais est, à mon sens, beaucoup trop typé tout terrain pour être une machine de tous les jours.
Présentée en même temps que la Suzuki V-Strom 800DE, la Honda Transalp 750 XL est toujours synonyme en 2023 de couteau suisse. Ce trail présente l’avantage d’être plus bas que ses camarades japonais, plus protecteur et surtout plus abordable même si, à 10 599 €, la moto est à poil. Son approche plus touring en fait un bon compagnon du quotidien, mais contrepartie, la rend moins apte sur le papier à faire du tout terrain. Rendez-vous le 30 décembre 2023 à l’Africa Eco Race pour s’en rendre compte !
Chez les constructeurs premium, vous trouverez les BMW F 900 GS et KTM 790/890. Elles s’avèrent plus sophistiquées sur le papier, mais aussi plus coûteuses à l’achat comme à l’entretien. N’étant pas assez connaisseur, je m’abstiendrais de faire des commentaires sur l’intérêt de ces machines.
Alors, on l’achète cette Suzuki V-Strom 800DE ?
Oui, j’aime la polyvalence apportée par les trails. Mais ce qui m’importe le plus, c’est d’avoir un utilitaire pratique (et blanc comme ma Honda de préférence). Sans être le Hummer de la moto, la Suzuki n’est pas ce qu’il y a de plus facile à manœuvrer en ville et sa protection limitée m’ait gênante, surtout en cette période de l’année. Par contre, pour voyager l’été et faire du tout terrain, elle m’a tout l’air d’être un partenaire idéal pour qui souhaite voyager différemment, tout en en ayant sous la poignée.