Cette semaine, dans Montres et Voitures, nous allons parler de la fameuse TAG Heuer Monaco. Une icône rendue populaire par le film Le Mans de 1966, avec Flash Steve McQueen dans le rôle principal. Vous allez apprendre à placer pignon oscillant pour pécho lors d’un rencard et découvrir qu’une réputation permet pas mal de dérives. Je vais même vous confier une anecdote personnelle qui vous donnerait envie de vous abonner à notre chaîne YouTube, si nous en avions une (vraiment) une.
Montres et voitures et donc, forcément, chronographe
Un chronographe est un appareil permettant de mesurer un intervalle de temps. C’est la définition. C’est comme ça. Vous allez me dire que compter les secondes qui s’écoulent durant une action, comme l’acte sexuel du roi de la jungle, c’est se transformer en chronographe. Je vous réponds que oui, exactement. Et j’ajouterai aussi que le temps mesuré sera de 30 secondes (je suis jaloux). Je vous dis ça parce que la TAG Heuer Monaco est un chronographe.
Donc sur une montre comme la TAG Heuer Monaco, il se passe quoi quand je lance le chrono ?
Sur un chronographe, la grande aiguille ne sert pas de trotteuse (elle ne tourne pas pour indiquer que les secondes s’écoulent). Elle sert à chronométrer (mesurer le temps étymologiquement). Mais il faut qu’elle tourne à la demande. Pour ce faire, elle doit se synchroniser à l’aiguille des secondes (la trotteuse), souvent toute petite sur les cadrans de chronographes (ce qui rend, de mon point de vue, les chronographes chiants à regarder tant qu’ils ne sont pas actionnés).
Le chronographe avant Edouard
Avant Édouard Heuer (comme dans TAG Heuer Monaco, c’est fou ça !), on galérait (à base de cames horizontales et tout un tas de trucs qui vont vous saouler). Et « on » regroupe des petits noms d’horlogerie pas hyper connus comme Patek, Omega, ou A. Lange & Söhne. En gros, il fallait faire entrer en relation le module des secondes avec celui du chrono, ce qui est chiant, puisqu’on doit réaliser un mouvement vertical avec des choses rondes et plates.
Edouard Heuer : petit pignon pignon pignon pignon pas gros gros gros
Bref, en 1887, Edouard Baer Heuer brevète une invention pas conne du tout : le François pignon oscillant (ou le pignon à bascule si vous préférez). C’est tout simple : vous prenez un pignon en haut et en bas d’un axe. Un truc pas long, comme le zboube de @Novichok. Et quand vous pressez le poussoir du chrono, vous soulevez ce pignon qui entre en contact avec le mobile (l’engrenage) des secondes.
Pour faire simple : vous synchronisez, grâce à un pignon, le mobile (ensemble pivot + engrenage) des secondes avec le pignon du chronographe. COMME UNE BOITE DE VITESSES, ouais. D’ailleurs on appelle ça des synchros sur une boite. Et si vous n’arrivez toujours pas à comprendre, voilà un dessin chouré sur le web mais avec la source parce que je suis un voleur mais un gentleman avant tout.
Maintenant, l’histoire de la Heuer Monaco
Dans les années 60, il reste encore une bonne décennie à la montre mécanique pour briller, avant de subir l’effet du quartz, qui rappelle beaucoup le conflit véhicules thermiques contre électriques d’aujourd’hui. Jack Bauer Heuer (comme la marque en question, quelle coïncidence dites donc) a 24 heures (du Mans) pour proposer un chronographe sur le marché. Non, ce n’était pas 24 heures, mais la blague était tentante.
Donc Jack veut sortir un chronographe automatique. Il le sait parce que la Heuer Autavia est un carton auprès des pilotes et de ceux qui ont besoin de mesurer le temps. Notamment grâce à son tachymètre sur la lunette, qui permet de mesurer la vitesse moyenne. Mais la complication est énergivore. Le remontage devient alors vite fastidéesse fastidieux. Et aucun concurrent n’en propose pour le moment. Pas même Omega avec sa Speedmaster de 1957.
Jack s’associe à d’autres acteurs de l’horlogerie. Dubois Depraz, qui fait des modules chronographes pour divers constructeurs, et Breitling vont s’associer au projet. Il en ressort le Calibre 11.
La Heuer Monaco va voir le jour, avec elle, des « copines » sur le même calibre (Copilot, Chronomat, Navitimer, etc).
Réédite Edith, ça fait des sous : quand TAG s’offre Heuer
1974 signera la dernière itération de la Heuer Monaco. Nommée Dark Lord et toute de noir vêtue, elle est une pièce très recherchée aujourd’hui, car arborant le dessin particulier aux bords prononcés de la boîte originelle.
En 1985, le groupe TAG (Techniques d’Avant-Garde) de la famille saoudienne Ojjeh rachète Heuer à Piaget, qui l’avait acquis 3 années auparavant, et décide de renommer la marque TAG Heuer. Le groupe TAG, créé en 1977 est historiquement investi dans les secteurs de l’aviation et de l’immobilier. Il s’est fait connaître du grand public par son implication en Formule 1, d’abord en tant que sponsor des premières Williams championnes du monde, puis comme partenaire de McLaren.
Tag Heuer et McLaren
En effet, Ron Dennis qui a racheté McLaren en 1980, cherche un soutien financier pour développer son écurie et fait rentrer le groupe TAG en 1983 au capital de McLaren (désormais détenu à 50/50 par Ron Dennis et le groupe TAG). Ron Dennis a, à l’époque, convaincu Porsche de relever le défi technique de concevoir un moteur de F1, mais la firme allemande ne souhaite pas en assumer le coût financier. Qu’à cela ne tienne, TAG va donc financer la conception du moteur (qui portera donc le nom de TAG), et les Mclaren TAG (et non McLaren Porsche donc) vont en quatre saisons complètes remporter 3 titres pilotes et 2 titres constructeurs. On comprend donc pourquoi pendant des années les pilotes McLaren (Lauda, Prost Senna, Hakkinen, Raikkonen, Hamilton, etc…) se sont succédé pour faire la promotion des montres TAG Heuer.
En 1998, TAG Heuer comprend que la population a peur du futur apocalyptique promis par les gens pessimistes (qui depuis 2010 ont trop la parole sur les internets). Ce qui inquiète les actionnaires qui y voient surtout le pessimisme de l’expert comptable. Quand on a peur du futur de devant, on regarde son derrière. Telle une marque automobile en panne d’inspiration, TAG va sortir une réédition de la Monaco originale. Même bleu profond et un dessin légèrement modernisé. Le comble ? La couronne (le truc pour remonter la montre) est à droite.
En quoi c’est grave ? La couronne à gauche a été un argument marketing pour Heuer. La montre étant automatique, on ne s’en servait plus pour remonter la montre après une mesure. En passant à gauche, elle laissait les poussoirs du chrono plus accessibles à droite. Mais OSEF parce que ça se VEND !
LVMH récupère TAG Heuer parce que pognon is the old Money
Cette réédition cartonne. Assez pour que les chiffres de Tag Heuer intéressent LVMH qui rachète le constructeur en 1999. La marque, désormais indépendante du groupe TAG, ne reprend pourtant pas le simple nom « Heuer ». On le comprend bien car désormais la notoriété de TAG Heuer dépasse largement celle de Heuer. Seule différence, les TAG Heuer s’écrit depuis son rachat par LVMH sans le « G » fléché caractéristique du groupe TAG.
Puis c’est la teuf à Monaco, l’oseille coule à flot et les tentatives s’enchaînent. La V4 par exemple est une prouesse horlogère, avec un entrainement par courroie. Comme sur un vélo moche, mais là c’est beau, sauf au poignet. Beau et cher. Cher et finalement trop éloigné de la Monaco originale. Qu’importe, la Monaco iconique est toujours au catalogue.
En 2015, une nouvelle réédition voit le jour, avec la couronne à gauche cette fois, très proche du modèle original. À mes yeux, la version la plus désirable.
Verdict : Tag toi et le ciel t’aidera
On aurait pu parler des Carrera qui n’ont rien à voir avec les Porsche, mais non. Je suis fan de cette Monaco. Elle a un style unique, une histoire faite de hauts et de bas, de coups de génie et de manque de chance. Elle ne s’invente pas de miracle, elle ne fait pas croire qu’elle a aidé les alliés, qu’elle a survécu collée au derche d’un sous-marin à 1 200 m. Elle ne vous promet pas que vous irez sur la lune avec, ni que vous pouvez encaisser 15G dans votre Rafale (l’avion, pas la voiture).
Elle propose en revanche un style différent, unique en son genre, qui a su traverser les années et qui en a tout de même fait une star de l’univers horloger avec une histoire dense. Cette proposition de boite carrée mais aux arrêtes légèrement courbées qui permit de caser le Calibre 11 tout en plaçant la couronne à gauche.
Le choix de Jack Bauer Heuer de choisir Joseph Sipher comme égérie, qui a son tour a inspiré Steeve McQueen pour le style du film Le Mans, mettant en avant ce bijou si iconique de l’univers auto, au milieu de l’aura du sport automobile.
Puis cette résurrection improbable de la Monaco par TAG Heuer et cette fin carrière, digne d’une star bollywoodienne, vivant ses derniers jours sous les rayons désormais plus discrets, d’une célébrité qui a su durer.
Alors qu’on aurait pu parler de la Rolex Submariner que Steve McQueen n’a jamais lâchée.
L’anedcote pour conclure la conclusion de la fin de cet article
J’ai eu plusieurs vies avant de finir stagiaire, et l’une d’elle était de réparer les montres. On ne s’enflamme pas, je me débrouille encore sur certains calibres faciles, qu’on peut confier à un singe, aveugle, manchot et victime de trauma crânien pour avoir ignoré le port du casque à vélo dans Paris.
Il y a quelques années de ça, je tente d’entrer chez Rolex, dans le département des vieilles montres (plus de 20 ans) et pour le rhabillage (la partie après la révision du mouvement). Je n’entre pas trop dans le détail, car on s’en tamponne la nouille mais, durant les 3 heures qu’a duré le test, j’étais chapeauté par un ancien de Roro. On en vient à parler des anecdotes qu’on pourrait aujourd’hui qualifier de « backstage » ou autre terme LinkedInen.
Steve McQueen et les Rolex
Et là, ce monsieur dont je n’ai plus le nom aborde Le Mans et Steve McQueen. La blouse grise Rolex laisse apparaître son nom comme celui d’un mécano. Il y travaille depuis plus de 30 ans pour la manufacture, avec une passion digne d’un stagiaire essayant une caisse de prolétaire. Les yeux brillants, un sourire franc, il m’annonce, non sans une fierté certaine, que Steve retirait systématiquement la Monaco pour porter sa Rolex. Une Submariner 5512.
L’histoire est connue. Je n’étais pas surpris par le récit, mais par la fierté que ce monsieur dégageait. C’est la meilleure réponse à donner à la question : « Pourquoi aimer des montres peu précises et chères à l’heure (haha) où l’heure justement s’affiche partout ? ».
Car il s’agit du seul objet qui peut témoigner de l’empreinte que le temps a eu sur nous, tant littéralement que métaphoriquement. Une sorte d’amulette qu’on garde au poignet. Ou à la cheville si on est chelou et très souple.
Les deux anecdotes supplémentaires de @Maitremanda
Revenons rapidement sur TAG qui possède donc Heuer / TAG Heuer de 1985 à 1999. On a vu que TAG Heuer a beaucoup utilisé l’image de McQueen pour promouvoir sa Monaco. C’est donc cocasse de noter que la plupart des publicités de McQueen le placent à côté d’une montre portant l’inscription « TAG Heuer » et non simplement « Heuer » alors que, mort en 1980, il n’a jamais été contemporain de la marque TAG Heuer.
Enfin, on note que le lien de TAG Heuer avec la Formule 1 ne s’est jamais rompu. De 1985 à 1999, assez naturellement, les pilotes McLaren étaient ambassadeurs de la marque de montres. De 1999 à 2015, TAG Heuer, quoique plus liée capitalistiquement à l’écurie anglaise est restée sponsor de celle-ci avant de passer chez l’ennemi ! En effet, depuis 2016, TAG Heuer est désormais le partenaire de Red Bull Racing. Un partenaire privilégié même car, de 2016 à 2018, les moteurs Renault étaient badgés TAG Heuer. Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?
Les pilotes Red Bull sont donc devenus depuis lors ambassadeurs de la marque horlogère.