Pourquoi le restylage de la Clio V peut être un « game changer » pour Renault ?
Cela a été l’évènement automobile du mois d’avril 2023 en France. Renault a restylé son best-seller, la Clio.
La Clio – Un best seller depuis plus de 30 ans
Pour comprendre l’importance de ce restylage pour Renault, faisons un bref retour en arrière. La Renault Clio I est apparue en juin 1990 et depuis son premier exercice plein (1991 donc), les quatre premières générations de la Clio ont été 21 fois sur 28 les modèles les plus vendus en France ! Le hic c’est justement que la Clio V n’est jamais montée sur la première marche du podium des ventes en France depuis 2019.
Au total, la Clio I s’est vendue à 4 016 013 exemplaires, la Clio II à 5 631 000 exemplaires, la Clio III à 2 400 000 exemplaires (encore en cours dans certains pays) et la Clio IV à 4 000 000 exemplaires, soit plus de 15 millions d’exemplaires en cumulé. C’est absolument colossal.
Les qualités de la Renault Clio V depuis son lancement
La Clio V depuis sa sortie ne fait qu’une carrière honorable. Bien, mais « sans plus ». Et c’est assez surprenant. De façon assez pragmatique, la Clio V avait pourtant tout pour être la numéro 1 du segment B en Europe, et de loin.
Depuis sa sortie elle remporte systématiquement tous les comparatifs face à ses adversaires directs. Skoda Fabia, Opel Corsa, Ford Fiesta, toutes les citadines s’inclinent face à la Clio. Seules les Toyota Yaris et Honda Jazz hybrides résistent face à la Clio Hybride, elles sont effectivement plus sobres, mais n’ont pas la même polyvalence que la Clio qui est aussi une routière.
Par ailleurs, elle est disponible avec une très large gamme de motorisations depuis sa sortie : petit atmo entrée de gamme (Sce 65), turbo plus dynamique compatible GPL ou non (Tce 100 ou 90), turbo essence dynamique (Tce 130 puis 140), diesel (dci 85 et 115 au lancement remplacé par le dci 100) et bien sûr full-hybride. Enfin, la qualité de fabrication et de finition de la voiture, maintes fois décriée à propos de la Clio IV fait aujourd’hui référence dans la catégorie.
Les raisons de l’insuccès relatif de la Clio V
Épousant le concept des constructeurs allemands qui copient/collent leurs codes de design sur toutes leurs gammes dans un réflexe quasi pavlovien, Renault a voulu à la fois ne pas changer un design qui marchait en faisant fortement ressembler la Clio V à la Clio IV et également faire ressembler sa reine des ventes aux autres modèles de sa gamme.
Concrètement une Clio V phase 1, d’un point de vue design, c’est une Clio IV phase 2 restylée légèrement pour lui donner un air de famille avec les Mégane/ Talisman / Espace / Arkana / Captur etc.
Le problème est que n’est pas Audi ou VW qui veut ! Au vu de la réussite de la stratégie d’Audi, on peut penser qu’un possesseur d’A4 est très content de changer son ancienne version pour une nouvelle quasi-identique (et ressemblant à la fois à l’A3, l’A6 et l’A8), alors qu’au vu du relatif échec de la Clio V phase 1 qui ressemble à la Clio IV phase 2 on est amené à penser qu’un acheteur de Clio neuve souhaite du nouveau. Contre-intuitif, non ?
Renault a donc constaté qu’on ne passait pas d’une Clio IV à un Clio V seulement pour avoir des feux avant en forme C, seule innovation stylistique notable entre ces deux générations. Même si la voiture récupère une tablette un peu plus fluide et des plastiques plus souples cela ne suffit pas pour inciter à l’achat.
Le problème de la Clio V est simplement de ne pas avoir montré qu’elle avait évolué par rapport à la IV. Alors qu’en soit, tout est mieux ! À moteur équivalent, la voiture est même plus légère. Renault a donc revu en profondeur la cosmétique de son modèle phare pour la phase 2.
L’objectif de Renault à la sortie de la Clio V phase 2
La Clio V phase 2 a deux missions : montrer une montée en gamme par rapport à la phase 1, et en même temps remplacer petit à petit la Mégane IV, dernière Mégane thermique.
La première mission est donc d’opérer une montée en gamme pour montrer que Renault est comme Peugeot en phase de « Volkswagenisation » et devient une marque « access premium ». Le but est bien évidemment à terme pour Renault d’augmenter les prix de ses modèles et donc sa marge opérationnelle. Vous aviez oublié que le groupe Renault n’était pas une ONG ?
La seconde mission de la Clio V phase 2 est de remplacer la Mégane IV (dernière Mégane thermique), car la Mégane E-Tech ne l’a pas totalement substituée. En effet, si la Mégane E-Tech est unanimement reconnue comme étant une bonne voiture, son autonomie utile (de 10 % à 80 %) sur autoroute limitée à 200 km restreint tout de même son marché par rapport à la Mégane IV thermique. Comme la Clio est la citadine la plus logeable du segment B (son habitabilité est comparable à certaines voitures du segment C, comme la Peugeot 308 ou la Mazda3), on peut supposer qu’en « habillant » bien la Clio, Renault pourra la situer à cheval sur les segments B (celui de la Clio) et C (celui de la Mégane).
Ce qui change sur la Clio V phase 2
La face avant de la Clio a donc été totalement revue. Il est rare qu’un restylage soit si profond d’ailleurs. Au niveau de la calandre, on voit clairement la patte de Gilles Vidal, directeur du design fraîchement arrivé de chez Peugeot, et on peut dire que la Clio a maintenant de la prestance. Comme je l’écrivais en conclusion de mon essai de la Clio Hybride : bien joué. En finition Esprit Alpine, elle a une « vraie gueule ».
L’arrière bénéficie seulement de nouveaux feux transparents et l’intérieur de la voiture semble bénéficier d’une finition encore meilleure que la phase 1, qui fait pourtant déjà référence.
Au final, ce qui est notable pour ce restylage de mi-carrière de la Clio V, ce n’est pas tant ce qui change intrinsèquement sur la voiture. Le châssis et les moteurs restent en effet les mêmes. Ce qui est plus surprenant, c’est que c’est à l’occasion d’un « simple » restylage, et non du lancement d’un nouveau modèle, que Renault lance sa nouvelle signature lumineuse dans la gamme, sa nouvelle face avant, son nouveau logo, et qu’en conséquence Renault pose les premiers jalons de sa montée en gamme.
Allez, Luca de Meo, faites lui faire un petit tour chez Alpine pour régler ses trains roulants et la mettre véritablement en face des GT/GTI du segment à cette Clio ! Elle le mérite.