Essai du Dacia Jogger : un break 7 places sans salade sur les routes niçoises
Dacia Jogger
14 999 €
16 700 € et 19 650 €
ECO-G 100 (GPL) et TCe 110 (essence) 3 cylindres 1000 cm3 dans les 2 cas
GPL pour l'ECO-G et essence pour le TCe
100 ch et 110 ch (mais vous l'aviez deviné)
170 Nm à 2000 tr/min pour l'Eco-G 100 (160 Nm en mode essence)
200 Nm pour le TCe 110 à 2900 tr/min
Manuelle à 6 rapports
Traction dans les deux versions (il n'existe pas de version propulsion ni 4 roues motrices)
10 secondes pour le TCe et 12 secondes environ pour la version GPL
Pardon, vous avez dit le zéro à combien ?
La fiche indique 183 pour le TCe et 175 pour l'ECO-G mais chargé, les 130 km/h seront déjà difficiles à atteindre
4 547 mm
1 509 mm
1 691 mm (avec barres de toit fournies de série)
2 898 mm
Entre 1 176 kg et 1 291 kg selon la motorisation et la version
50 L (Essence) et 40 L (GPL) [ECO-G] et 50 L [TCe]
Environ 300 km
9.5 L/100 en GPL et 6.5 L/100 en essence [ECO-G] et 6.9 L/100 [TCe]
130 g/km (essence) et 118 g/km (GPL)
5 CV
Imaginez. Un réveil difficile par un vieux lundi matin pluvieux. Vous êtes de l’équipe Dacia, en retard pour la réunion de présentation d’un nouveau projet. Vous arrivez trempé et vous prenez place discrètement. L’équipe marketing se pointe. La Sandero et le Duster dominent le marché, de la calandre au pare-chocs arrière. Mais il y a un créneau vide en véhicules abordables : le break. Sauf que les breaks, c’est « touchy ». Une main se lève et quelqu’un déclare que plus personne n’achète de break. « C’est la vérité Daviiiiiiiiiiid ». La main appartient à un David. En 2019, les breaks, faisaient partie des 6,7% de part de ventes des berlines. Y compris en Europe, rare endroit de la planète où l’on achète encore des caisses comme la 508 SW PSE. Face aux 40 points des SUV, c’est une paille.
Mais ça, les équipes marketing le savent. Elles ne paient pas des abonnements Statista, Ipsos et Jota pour rien. Puis des breaks, Dacia en a déjà fait : la Logan MCV (pour Manufacturing Commercial Vehicle) en 2007, 2009, 2014, 2017 et 2018. Mais cette fois, contrairement à un opus de Fast & Furious, ce sera différent. La voiture sera surélevée mais pas trop, il ne faudrait pas faire un autre SUV. Elle offrira 7 places, dont le dernier rang capable d’accueillir deux adultes avec leurs jambes. Les sourcils de l’équipe se froncent. Elle sera vendue 14 990 € TTC. L’équipe marketing disparaît à la manière de Daviiiiid Coperfield puis la porte se ferme. Tout le monde est sur les fesses. Ce break 7 places, c’est le Dacia Jogger.
Contexte de l’essai du Dacia Jogger
L’essai s’est déroulé dans un cadre idyllique, à Nice. Il faisait beau. Point de route mouillée. Cool pour les pompes blanches, moins pour l’essai sur sol humide.
Deux variantes étaient proposées : un modèle 5 places, finition « Confort » à motorisation GPL de 100 ch. Un modèle 7 places, finition SL Extreme + (le haut de gamme) en essence TCE 110 ch. J’ai pu essayer les deux versions, mais pas en même temps, car c’est physiquement impossible.
Design to cost que dalle pour le Dacia Jogger
Design extérieur
Le design to cost est une philosophie de conception propre à Dacia (mais qu’on retrouve aussi chez Suzuki). Il s’agit d’économiser des sous à chaque endroit sans rogner sur l’agrément. Placer un bouton sur la console centrale plutôt que sur le côté du siège, utiliser le plus de pièces identiques sur l’ensemble des véhicules (Sandero, Duster, Alpine A110). Une façon de travailler qui oblige les ingénieurs et les designers à avancer ensemble, main dans la main, comme pour la tour de Babel, mais en vue d’un meilleur résultat. C’est surtout un procédé qui impose de faire des choix. C’est justement là que tout s’est joué dans cet essai : le rapport à ces choix. Et cela va d’exporter les feux arrière en dehors du hayon à installer une banquette plutôt que 3 sièges rabattables.
Le résultat
Le résultat a donné l’enfant illégitime d’une Clio 4 et d’un break Volvo V70. Même si j’aime bien sa ligne, le Jogger n’est pas le plus sexy malgré sa teinte Brun Terracota très réussie. Première raison, les places arrière. Les rendre fonctionnelles imposait de garder une hauteur de toit importante, puisqu’on ne peut pas couper les têtes des passagers. La seconde est le coût de production qui n’a permis aucune folie. AUCUNE.
Pour ne pas repousser le chaland en concession, on retrouve des feux diurnes à LED et les barres de toit modulables de série dès le premier niveau de finition. C’est comme porter un ensemble jogging blanc moche mais une paire d’Air Force 1 édition 2022 blanche immaculée aux pieds.
Vu le tarif et la praticité des breaks, on va certainement en voir pas mal sur les routes.
Design intérieur
Pour l’intérieur, on se retrouve en terrain connu et je vous renvoie à l’essai de la Sandero pour charmer le SEO Google et parce que le sujet de ne doit pas être trop long.
Pour résumer, ça ne fait pas cheap, l’utilisation d’un tissu de qualité évite de voir et toucher trop de plastique. Les commandes réagissent immédiatement et l’ergonomie y est. J’aime toujours autant les boutons de clim à affichage intégré et l’ergonomie de la commande de radio de Megane 1, avec cette molette désagréable au toucher mais redoutable d’efficacité pour un usage à l’aveugle. Le Jogger, c’est un Youngtimer sorti en 2022.
Dacia a eu la bonne idée de placer d’énormes fenêtres custodes au niveau des places arrière, fenêtres que l’on peut même entrouvrir. Je rappelle que les vitres arrière étaient fixes sur la première DS4. Donc c’est chouette. L’habitacle est lumineux mais aucun toit panoramique n’est au programme. Faudrait pas alourdir l’engin qui n’affiche que 1 200 kg sur la balance. Ce sont 50 kilos de moins qu’une Clio 5.
L’emplacement pour smartphone dans le Dacia Jogger
Autre truc pas mal : la version entrée de gamme reprend un concept instauré sur les Seat Mii, Volkswagen Up et Skoda Citigo à savoir un emplacement pour smartphone à la place de l’écran et une application à télécharger. On accède à cette appli via cette commande récupérée des premières Megane. Design to Cost on a dit ! C’est malin, mais il faudra voir comment l’application vieillira et si les mises à jour seront faites… Mais c’est cool, parce qu’on peut glisser à cet emplacement un iPad Mini cellular (qui coûte 1/18 du prix de la bagnole d’ailleurs).
Les sièges sont corrects et je n’ai pas eu mal au dos. Ni aux fesses d’ailleurs. Il y a les mêmes dans toute la gamme.
Globalement, c’est bien et si on pose votre séant à l’aveugle, vous ne penserez pas être dans l’une des voitures les moins chères du marché.
Sensations de conduite : pas comme dans une Alpine A 110 km/h
Le Jogger est sous-motorisé de fou. A tel point qu’un comparatif avec les S-Cross et Vitara que @Novichok a essayés s’impose sur le 0-130 km/h le plus long de l’histoire. A chaque appui sur la pédale, le moteur me rappelait que la voiture était conçue pour 7 personnes pas 8. Je suis lourd (ça veut dire gros en langage Twitter) mais j’étais seul.
Beaucoup évoquent le diesel. Ou regrettent son absence. Mais un moteur diesel, c’est d’office un malus. Les ingénieurs ont cherché à grappiller des centimes d’euros dans chaque partie de la conception. Ils n’allaient pas ruiner leur travail pour une motorisation diesel. D’où l’alternative GPL, plus chère en entretien mais On S‘En Fout, puisque ça se finira en LOA.
Sur la petite autoroute Aquelquechose qui enchainait les montées, je peinais à dépasser les camions qui dépassaient les autres camions et cela, pour les versions GPL 100 ch et essence 110 ch.
Les 130 km/h en Dacia Jogger
Atteindre les 130 km/h en étant chargé est long et presque utopique. Alors on se calera à 110 km/h et on constatera que les 9.2L/100 de conso GPL et 6.9 L/100 de SP 95 sont raisonnables. Ce qui rend le limiteur de vitesse inutile puisqu’il est impossible de commettre un excès de vitesse sur autoroute. Le Jogger est ainsi le meilleur ami de vos points de permis.
Il faudra tout de même voir ce que ça donne côté consommation une fois l’engin chargé. J’avais pour projet de faire monter 6 auto-stoppeurs, mais les gens de Dacia n’étaient pas chauds. La peur de retrouver un stagiaire dans les faits divers, en hiver qui plus est.
Côté comportement, un peu flou, comme la vision de @Vityok après une soirée Open Bar, mais pas piégeur, contrairement à @Vityok dans les Space Twitter. Disons que ce n’est pas fait pour la conduite sportive et qu’à 80 km/h sur les nationales, il faut être concentré. La direction reste permissive et la voiture ne part pas en sous-virage en cas d’entrée un peu rapide.
Les suspensions du Jogger
Les suspensions, un poil souples, permettent de s’en sortir sans souci sur les terrains riches en cailloux. Avec Loïc, un autre essayeur, nous avons effectué des tours sur terre et c’est passé crème. L’aspect baroudeur n’est pas usurpé.
Les freins n’avaient pas l’air sous-dimensionnés et ont toujours fait leur job, y compris dans les bonnes descentes des petites nationales niçoises. On aurait peut-être apprécié une boîte auto sur un tel véhicule. Il faudra attendre une version hybride (qui empruntera sûrement la technologie E-Tech déjà essayée par @novichok sur le dernier Captur et par moi-même sur l’Arkana) pour y avoir droit.
Pour faire simple : le Jogger offre un comportement des plus corrects et c’est exactement ce que sa clientèle lui demande. Il faut juste savoir jouer de la boîte, un peu molle d’ailleurs, pour dépasser sur autoroute et prendre son mal en patience sur les nationales. Et comme un exemple vaut mieux qu’un long discours, voici deux vidéos POV twittées il y a quelques jours.
Version TCE 110
Version ECO-G 100
Absence de marqueur social et prix de fou
La Sandero et le Duster sont les symboles de la caisse utile mais aussi un anti-marqueur social. Ce sont des modèles iconiques, reconnus de presque toutes et tous. Le Jogger NON. Les gens qui le croiseront se diront : « tiens, la nouvelle Dacia » voire « tiens, le nouveau Duster ». Puis ils passeront leur chemin. Seules les personnes intéressées chercheront le nom du modèle.
C’est la raison d’un prix si bas. Un Duster ou une Sandero se vendent neufs moins cher que la concurrence en occasion récente. Dans le cas d’un break, c’est une autre histoire. Avec le haut de gamme à moins de 20 000 €, on s’aventure déjà sur des terrains chauds en occasion car les breaks décotent vite. Oui, on compare l’occasion récente au neuf. Car la clientèle le fera. Donc Dacia devait frapper fort. 15 000 € neuf TTC, c’est 12 500 € HT. Un tarif qui a obligé les ingénieurs à pousser l’optimisation à son paroxysme. Actuellement, il est impossible de réaliser une voiture pouvant être distribuée à une telle échelle à un prix aussi bas en France.
Une ergonomie design to cost moins de 15 000 €
Afin de réduire les coûts, et parce que le cahier des charges imposait 7 places exploitables, les ingénieurs de Dacia ont fait des choix radicaux. A vous de déterminer s’ils le sont trop.
On commence par l’accessibilité aux deux places du fond. Il faut rabattre la banquette 2/3 – 1/3, la faire basculer, la tenir car elle ne se bloque pas, puis entrer. Ces places d’ailleurs, n’offrent pas de support Isofix et franchement, je ne prendrai pas le risque de me faire emboutir l’arrière avec des gamins au dernier rang, Jogger ou pas.
Une fois installé au fond, si on ne dépasse pas le mètre quatre-vingts, on est bien. Mais on aurait été mieux si le siège central de la banquette à l’avant pouvait basculer. Impossible (2/3-1-3 on a dit). Puis ça aurait offert une sorte de tablette centrale.
La version 5 places
Sur la version 5 places, le coffre est immense. Un peu trop. On se retrouve avec un creux offrant une longueur de 15cm. Longueur qu’on aurait pu récupérer en espace aux jambes en allant caller la banquette arrière sur le fond du coffre. Longueur qui aurait apporté un gros confort en plus. Là, non seulement le creux va laisser les choses se perdre sous les sièges, mais en plus, on se retrouve juste au niveau des places arrière.
Ce creux est également problématique pour un usage un peu décalé, certes, mais que j’aime bien : celui de dormir à l’arrière, sièges rabattus. Cela génère un creux au niveau du dos et il est difficile de s’allonger.
Le Jogger n’est pas le roi de la simplicité. Si le copilote et le conducteur mesurent 1 Vityok (187 cm), il faudra systématiquement avancer les sièges à l’avant pour basculer la banquette à l’arrière.
Le problème des accoudoirs dans le Dacia Jogger
Le Jogger propose deux types d’accoudoir. Le premier, intégré au siège conducteur est très étroit (à la limite ça, on fait avec) mais surtout bien trop court. Il tombait pile au creux de mon coude, oui sur le nerf là. Autant ne pas en mettre un dans ce cas. Sur la version Extreme, il est un poil court, mais plus large et offre un rangement. C’est peut-être un détail, mais pour la cible de cette caisse, il a son importance.
A vous de déterminer si ces défauts sont rédhibitoires ou non. Perso, à part l’accoudoir, franchement ça va.
La caisse à vivre dans une époque où la voiture n’a plus le droit d’exister
Dans les années 80, Renault misait sur les voitures à vivre. C’est exactement ce que fait Dacia aujourd’hui. Le Jogger est intrinsèquement lié à son prix et à ce qu’il implique : on accepte plus facilement des défauts, on s’accommode de trucs chiants, de détails fastidieux. Mais ceci s’accompagne d’une utilisation décomplexée. A l’instar de la Sandero, on n’examine pas la caisse 15 piges à la recherche de la rayure. On laisse la voiture vivre et on vit avec elle. Elle devient une entité autour de laquelle les choses se passent et non l’élément central. On ne la prend pas pour se faire plaisir sur les petites routes mais pour rejoindre un endroit où se faire plaisir. Parce qu’on n’aura pas mis toutes nos billes dans notre caisse.
Enfin, nous sommes en 2022. Dans une décennie, on devrait « tous » être passés à l’électrique. Plus on se rapprochera de l’échéance, moins on souhaitera investir dans des voitures thermiques. En parallèle, le coût des matières premières ne cesse d’augmenter. En présentant un modèle 7 places à maxi 20 000 euros, Dacia « tue le game » comme on dit. Il n’y a rien en face. Absolument rien. Sauf peut-être une Prius Plus qui était une chouette caisse avant de devenir le modèle le plus volé de France en 2021.
Le rapport qualité/prix du Dacia Jogger
Reste un point sur lequel il faut être clair : cette voiture vaut ses 20 000 euros. Pour ce tarif, elle vous en donne beaucoup. Mais au-dessus, sans boîte auto ni hybridation, elle aurait été difficilement vendable. D’ailleurs, une version hybride à boite automatique est prévue. Mais il va falloir être patient.
- Rapport fonctionnalité-prix imbattable
- 7 vraies places
- La version Extreme SL + a de la gueule
- La version entrée de gamme est intéressante
- Plutôt confortable
- Bonne luminosité
- Je m'attendais à pire niveau insonorisation
- La tenue de route
- Le freinage
- La qualité de la sono
- Places arrières réellement utilisables par des adultes
- Les différentes approches du multimédia
- Le manque de performances empêche de dépasser dans certaines situations
- Le bruit du moteur 3 cylindres et surtout du turbo qui siffle fort
- La modularité fastidieuse
- La perte d'espace aux jambes à l'arrière sur la versions 5 places
- La conso pas meilleure qu'avec un 4 cylindres