J’ai eu une Peugeot 206 CC en daily : c’était intense et compliquéEnviron 7 minutes de lecture
Combien de caisse de 1998 peuvent se targuer d’être encore désirables en 2022. Vraiment désirables, pas simplement une hype de boomers en mal de madeleine de Proust. Et parmi elles, combien ont été financièrement accessibles ? La Peugeot 206 CC coche ces deux cases. Je l’ai possédée. Une sacrée histoire !
Prenez donc une Goudale (placement de produit non-rémunéré évidemment) et laissez-moi vous compter comment la 20coeur a pris place dans ceux de ma femme et moi-même. Meetic avait fait une pub disant que « ce sont ses défauts qui vont plaire ». En effet, elle nous a beaucoup plus. Et aujourd’hui, je regrette de l’avoir vendue comme j’étais soulagé de m’en débarrasser.
Chapitre 1 : le rêve de gosse
Le Mondial de l’auto, c’est comme le salon de la photo, les pervers baveux en érection parlant aux modèles comme des animaux en moins. On bave toujours, mais devant des carrosseries de toute beauté. Nous sommes en 1998 et Peugeot expose sa copie de la Mercedes SLK, elle-même une copie de la Peugeot 402 Eclipse, elle-même inspirée des cabriolets tractés par des chevaux : la 20Coeur. Un jeu de mot digne d’un titre de film français, dont a dû être fier le département marketing.
20coeur
Elle avait de la gueule. Surtout à côté du concept de la Vel Satis. Peinture Champagne, ligne réussie et cette cinématique de toit rétractable. ARRRGGHHH ! Quelques mois après et malgré des retards répétés, les premières livraisons inondaient les rues. Une voiture de femmes qui plait aux hommes. Comme la Fiat 500 ou la Mini. À croire que « voiture de femmes » signifie « ligne élégante ». Une tire de série identique au concept car. On l’a vu avec la RCZ et la Ioniq 5, c’est chouette.
Je m’étais alors dit qu’un jour, j’en aurais une. Les années passèrent, je n’en avais toujours pas et je m’en étais fait une raison. J’avais accepté que je ne pourrais jamais rouler en 206 CC, ni pécho Mariah Carey (ou Britney Spears).
Chapitre 2 : la surprise
Quand ma femme a eu le permis, elle s’est procurée une Clio 2. Un modèle moins équipé qu’un cheval, avec 3 portes pour le côté sport (la voiture, pas le cheval). Pas de clim mais un chauffage puissant, surtout en été. Après 3 ans de bons et loyaux services, le compteur totalisait 312 000 km, on voulait changer de peur qu’elle nous claque entre les doigts. Passer sur plus grand, comme une berline 5 portes, un break, n’importe quoi mais un truc fiable, spacieux, peu gourmand et donc japonais (en 2006 c’était Jap ou rien).
Une Peugeot 206 CC à vendre
Un jour, un ami nous appelle. Il avait une Peugeot 206 CC à vendre. Modèle phase 2, moteur 2 L et 16 soupapes avec un intérieur en Alcantara bleu fait sur mesure par un ancien proprio ayant habité Carré Sénart probablement, le 77 certainement. Sa femme était enceinte et il voulait s’en séparer pour un Scénic (de la 206 CC, pas de sa femme). Il nous la vendait à prix coûtant et il l’avait touchée à 2 300 euros. Mon pote tenait un garage auto spécialisé Renault RS (ce qui explique le prix bas auquel il l’avait eue). À cette époque, on n’avait pas d’oseille mais il fallait une caisse. Le prix était bon et la Peugeot 206 CC ne cochait aucune case de notre cahier des charges. P-A-R-F-A-I-T !
La Clio pouvait intéresser des jeunes permis. Pas puissante, pas cher à assurer. J’avais un peu de matos photo. J’en ai vendu une partie. La Clio a vite trouvé preneur et nous voici en possession de la fameuse 206 coupé-décalécab. 17 ans d’attente, si ce n’est pas de la persévérance.
Nous étions heureux car c’était la première caisse sympa qu’on possédait. On l’a ramenée de Toulouse vers le 94. La clim était vide, mais on s’en moquait, nous étions dé-ca-po-tés !
Chapitre 3 : le début d’une relation est toujours magique
Elle était fun à conduire, un vrai kart. Avec le toit dans le coffre, plus rien ne rentrait derrière, mais on avait alors une répartition 33,3/33,3/33,4 avec le moteur devant, nous au milieu et le toit lourd derrière. On prenez un pied monstre et la direction assistée hydraulique y était pour quelque chose.
Elle tournait comme un kart, roulait comme un kart (quand elle le voulait). J’étais souvent à deux doigts de m’habiller comme Mario et d’attacher des ballons gonflés à l’hélium derrière, quelques peaux de bananes planquées dans le vide poche de la portière. Son moteur 2 litres atmosphérique n’était pas des plus vivaces, mais il offrait du couple et du 20coeur. Le vent emplissait mes yeux de larmes (littéralement le pare-brise était un peu bas pour moi et l’air chargé de poussière frappait mes pupilles), mon cœur de joie, mes cheveux (enfin mon crâne) d’insectes et mes tympans d’acouphènes. Le pied !
Le grand air en Peugeot 206 CC
Mon frère nous avait offert un filet anti-remous. 5 pièces à monter, 5 jours pour l’installer mais quand les 15°C commençaient à faire couler les nez, le chauffage emplissait l’habitacle et nous réchauffait. Voir le ciel d’un soir d’hiver sans finir congelés, c’était une expérience unique, aussi absurde que magique. Presque autant que celle qui nous a motivée à faire Créteil-Deauville à 4, décapotés, forcément.
Ces moments de plaisirs ponctuels ne se marient malheureusement guère avec la contrainte du quotidien. Bien que notre kilométrage annuel peinait à dépasser 8 000, l’usage était récurrent, trop récurrent. La Peugeot 206 CC aurait dû rester ce plaisir éphémère et insouciant, ces gens qu’on rencontre brièvement le temps des vacances. Ou ce jouet du garage qu’on sort pour poétiser ces moments de plaisir. Elle aurait dû…
Chapitre 4 : relation passée de géniale à c’est compliqué
Ces moments de joies, éphémères quand on y pense, mutèrent en stress continu.
Conduire une 206 CC, c’est subir des bruits de grincement en permanence. Un paquet de sons stridents en tout genre. L’objectif était de détecter les sons habituels de ceux anormaux, puis de rapidement identifier ces derniers sous peine d’un drame. Sur une voiture à 2 300 €, chaque problème peut être le dernier.
Le compteur, un Jaeger, avait des engrenages en plastique. Résultat, ce plastique avait travaillé et le compteur bossait comme un intermittent du spectacle. On n’a d’ailleurs jamais su le kilométrage réel.
Le moteur et la boîte de la Peugeot 206 CC
Le merveilleux 2 L atmosphérique à 16 soupapes était couplé à une boîte à 5 rapports, courte ! Résultat : en 5ème à 110 km/h ça gueulait, à 130 km/h ça HURLAIT. Mais on s’en fichait, parce que nous étions en cabriolet, et, par conséquent, déjà sourds. La conso était contenue sur autoroute avec un 7,5 L / 100 à 130 km/h. En ville, elle cuvait 10 L / 100. On peut pas avoir Uber et l’argent du chauffeur Uber. Bien que nous ne roulions pas tant que ça. Le moteur n’aimait pas la ville et les décrassages étaient récurrents.
L’autre souci était la sonde lambda. Elle déconnait et le calculateur, tel un junkie en stage ne savait plus la dose d’essence à injecter. Le moteur cahotait et le manque de puissance impliquait d’éteindre puis de redémarrer la voiture. Souvent s’en suivait une « anomalie antipollution » preuve que la partie écologiste du quartier s’attaquait déjà aux automobiles.
L’entretien de la Peugeot 206 CC
La 206 CC nous avait été livrée avec le suivi d’entretien. À côté, les Misérables de Hugo a l’épaisseur d’un prospectus de grande distribution. L’embrayage à 30 000 km, la ligne complète d’échappement à 10 000 km, la bobine d’allumage à « je ne sais plus combien ». Une liste longue comme un jour sans smartphone. Ça met la carte sim puce à l’oreille.
De notre côté, à part le compteur, le compresseur de clim, le système d’injection, la bobine d’allumage, la sonde lambda, l’ordinateur de bord qui indiquait une anomalie pollution, les grincements du système de fixation de toit, le siège conducteur qui coulissait sans moyen de le bloquer, la jonction collecteur-intermédiaire qui se faisait la malle, les vitres qui parfois ne remontaient pas et les silentblocs usés, on n’avait pas eu de souci avec l’élément majeur de la bagnole : le toit. Enfin, jusqu’à ce jour où il refusa de finir sa chorégraphie, telle une pop star éreintée sur scène, qui disparaît avant la fin du show. Nous voilà bien embêtés. Par chance, un garage Peugeot pas très loin et de bonne réputation accepta de la prendre en charge. Le mécano y passa deux jours pour enfin remettre tout en ordre. Il n’était pas très Heuliez face à cette panne (pardon).
Chapitre final : la séparation douloureuse
Malgré ces déboires et cette inquiétude permanente, on la gardait notre 206 CC. La rage et l’angoisse s’estompaient en un coup de pédale à chaque rayon de soleil et l’air embrassait notre peau, occultant de notre esprit le supplice du périphérique parisien en « cab ». Mais il arrive un jour où un engin de 2 places ne suffit plus. Nous avions récupéré l’Opel Meriva familial, qui aura peut-être son heure de gloire sur ce site. La Peugeot 206 CC était une voiture secondaire que nous faisions tourner que trop rarement. Un coût qui finissait par peser malgré le fait qu’elle dormait dans un box.
J’ai passé une annonce sur La Centrale. Peu de personnes sérieuses, vous savez ce que c’est. Finalement, un homme me contacta. Il était intéressé. Il vint, accompagné, en DS3 Crossback. Un jour, on évoquera l’association socio-culturelle au véhicule possédé. Mais je me suis dit qu’il la voudrait, vraiment.
On échangea quelques mots. Il m’expliqua qu’elle allait finir ses jours dans le sud. Pas loin de la mer. Elle allait être la voiture familiale de vacances. Celle qui sublime les photos de la maison secondaire. Il me racontait ça comme à un enfant à qui on conte une belle histoire à la perte d’un animal. Lors de l’essai, le toit fit son travail comme un gamin qui s’efforce de donner le meilleur de lui-même sur la scène d’une salle remplie, occultant les inconnus pour rendre fiers ses parents. Le chèque de 2 300 euros acta la transaction. Ils partirent avec notre Peugeot 206 CC et je n’eus plus aucune nouvelles.
De toutes les voitures que nous avons possédées jusqu’à aujourd’hui, elle a été ma préférée. Elle était différence, attirante, amusante, chiante, imprévisible, capricieuse mais elle offrait ce truc spécial que l’on ne trouve pas facilement. Un enfant et une voiture 2 places devient un cocktail difficile au quotidien. L’histoire de la 206 CC se termina.